Alexandre III de Russie a été un Tzar plutôt sympathique. Une force de
la nature et bon mari, dans sa jeunesse il a dénoncé la corruption de
l'administration militaire russe. L'Histoire lui fait tout de même un
reproche : il
a nivelé l'enseignement russe. Alexandre III n'était pas appelé à
régner. Il était le frère cadet du futur Nicolas I et n'a reçu que la
formation de base d'un officier. Pour lui, l'intérêt des
Mathématiques et de la Physique se limite au calcul des trajectoires
d'obus : la Balistique. En toute bonne foi, quand il est devenu Tzar
suite au décès prématuré de son frère, il a éliminé de l'enseignement
russe tout ce qui est Philosophie, Littérature, Mathématiques
complexes... Les conséquences ont été catastrophiques. 20 ans plus
tard, lors de la guerre contre les turcs, les officiers russes étaient
incapables de réagir. Ils n'avaient plus la culture nécessaire pour
identifier les menaces et prendre des décisions face à l'ennemi. Un
Directeur des Ressources Humaines moderne dirait qu'on n'avait pas
développé leur Quotient Emotionnel. Alexandre III était un homme de
bonne
volonté. Il n'a rien du dictateur sanguinaire que l'on fait miroiter
dans le théâtre de marionnettes de nos démocraties. Mais il en va ainsi
dans les dictatures : le dictateur modèle la nation à son image.
J'entends régulièrement dire que la Belgique fonctionne comme une
dictature. Il ne s'agit là que d'une impression, un malaise
général. Question : qui est le dictateur ? Longtemps j'ai cru que
c'étaient les partis politiques corrompus. On dit que la Belgique est
une particratie. Un temps je me suis demandé si la Belgique n'était pas
passée sous le contrôle des multinationales. Nous vivons sous la férule
de la société de consommation et des émissions de télévision
abrutissantes, à l'américaine. Certes. Je crois à présent que ce ne
sont là que des épiphénomènes.
Le dictateur n'est pas forcément une
personne. Dans "1984" George Orwell nous explique que Big Brother n'est
qu'une image virtuelle utilisée par un système. La rébellion en Iraq
nous montre que Saddam Hussein n'était que la figure de proue d'une
organisation tribale . Cette organisation se bat à présent pour
reconquérir un maximum
de pouvoir. Qui est le dictateur de la Belgique ? C'est en faisant de
l'ingénierie inverse que je crois avoir trouvé la réponse. Quel est
l'esprit que l'on inculque à nos enfants dans les écoles ? Ce n'est ni
l'esprit des politiciens ni l'esprit des directeurs commerciaux. Encore
mois l'esprit de la police ou de l'armée. L'esprit de nos jeunes, c'est
un esprit de fonctionnaire. Nous vivons sous la dictature de
l'administration. Notre dictateur n'a même pas d'image virtuelle, cela
ne
l'empêche pas d'être partout, en nous et autour de nous.
Pour les idéalistes, la démocratie est un système qui tire le meilleur
des hommes. La démocratie ouvre le savoir à tous... elle porte
naturellement les éléments les plus doués de la nation au
pouvoir... Il suffit de participer à la descente du cabinet d'une
personnalité politique belge dans une maison close pour comprendre que
l'on a davantage affaire à une mafia qu'à une élite. D'autres
personnalités politiques sont des marionnettes ou des affairistes... Il
y a
relativement peu de vraies compétences dans le tas, ne parlons pas
d'amour de la nation. En ce qui concerne le savoir ouvert à tous,
discuter avec l'élève ou l'étudiant belge lambda me fait lever les yeux
au
plafond. Je veux bien que tout le monde n'est pas sensé devenir Albert
Einstein ou Jean-Paul Sartre mais il y a des bornes aux limites. Il est
*évident* que ces étudiants sont capables d'apprendre infiniment plus
de choses et de bon sens.
Pour les réalistes, la démocratie est simplement un système stable.
Tout le monde peut se présenter aux élections, tout le monde a accès à
l'enseignement universitaire. Certes, c'est presque impossible pour
certains et d'autres y sont poussés de façon naturelle. Mais comme ces
chemins vers le pouvoir existent et sont en théorie
accessibles à tous, plus personne ne choisit la voie des armes pour
conquérir le pouvoir. Les élections ont beau être
organisées de façon médiocre, elles permettent
d'écarter les éléments les plus caricaturalement
inacceptables. La séparation
des pouvoirs assure une rivalité et un contrôle mutuel entre les
institutions. Les membres de ces institutions s'entendent en sous-main
mais ils sont obligés de faire au moins semblant d'être au service de
la nation. Au total vous obtenez un organisation complexe et
relativement pourrie mais... stable... qui ne déclenche pas d'atrocités
majeures...
Les réalistes voient aussi la dictature et la démocratie
comme
un cycle. Quand des problèmes trop graves s'accumulent et qu'une
démocratie n'arrive plus à les gérer, dans un fracas sanguinaire elle
se transmute en dictature. Comme un essaim d'abeille borné et
suicidaire, la dictature affronte les problèmes jusqu'à
ce que la situation se stabilise. Ensuite la démocratie revient
lentement. Les vizirs obtiennent davantage de pouvoir du pharaon. Au
fil des décennies ou fil des siècles, le pouvoir se dilue, devient
mieux
partagé.
Les familles puissantes acquièrent du pouvoir et trouvent des moyens
"démocratiques" pour s'entendre entre elles. Ce fonctionnement
démocratique sera conquit enfin par le reste de la population. C'est
l'affranchissement des esclaves et le suffrage universel. Jusqu'à la
prochaine catastrophe qui fera instaurer une dictature... Je suis un
démocrate parce que ce texte est sensé contribuer à empêcher
l'inclosion de la prochaine dictature. Mieux nous comprendront ce qu'il
y a
de dictatorial dans notre démocratie actuelle, plus solide et
fonctionnelle elle deviendra.
Je prétend donc que l'administration est notre dictateur. Je ne crois
pas pour autant que cette administration se structure autour d'une
quelconque sorte de gouvernement
parallèle. Il n'y a pas un "conseil de l'administration" occulte à la
tête du pays. Je crois plutôt que cela fonctionne comme une
fourmilière. Aucune fourmi en particulier n'est responsable
de l'existence de la fourmilière. Une fourmi n'a même pas conscience du
fait que la fourmilière existe, elle n'a que des réflexes et des
instincts. La fourmilière est la résultante de ces instincts partagés
par un millier ou un million d'individus
groupés. Comme Al Qaeda, l'administration belge ne peut pas être
décapitée. Si cette administration n'a pas de leaders, je pense
néanmoins qu'elle a des pères fondateurs. Le système belge a été pensé
par des personnes qui avaient une éducation d'administratifs. Pour ces
personnes la structure administrative était la voie naturelle vers le
paradis sur terre, en toute bonne foi. L'administration belge est un
ennemi invisible. Les belges n'ont ni les mots ni les idées pour parler
de ce parasite, ils n'en visualisent pas le
fonctionnement.
Les plus grandes réalisations humains n'ont pu être menées à bien que
grâce
à des administrations : les grandes oeuvres humanitaires, les
méga-travaux de la recherche scientifique, la destruction du fascisme
pendant la Deuxième Guerre Mondiale, les pyramides d'Egypte... Le mot
"administration" n'est pas péjoratif en soi. Tout comme il existe
"intégrisme" pour parler d'un usage borné et pervers de la religion, il
faudrait trouver un terme pour qualifier le mauvais usage de
l'administration. Peut-être "diocisme" ? Du grec "διοίκηση", qui veut
dire administration.
Il ne fait pas non plus considérer chaque fonctionnaire comme un
ennemi. Beaucoup de fonctionnaires sont du côté de la démocratie. Un
bon nombre des renseignements que j'utilise me viennent d'amis
fonctionnaires. Le communisme est tombé parce que les
fonctionnaires militaires russes ont refusé de tirer sur la foule.
Quand un dictateur prend le pouvoir, il met en place une
administration. Souvent elle l'accompagne depuis le début de son essor
et s'étend au fil de ses conquêtes. L'implantation de rouages
administratifs alternatifs est un pivot du trotskisme-léninisme. En cas
de
coup d'état militaire on se contente le plus souvent de prendre le
contrôle des administrations existantes. L'administration nouvelle ou
rénovée est sensée rendre des services à la population. Son rôle
premier est surtout de *contrôler* la population. Elle accompagne la
dictature. Elle essayera toujours de conquérir plus de pouvoir, de se
mêler plus en profondeur de la vie des gens. Quand le pays sera
complètement bloqué, incapable de survivre, un bain de sang fera
disparaître les blocages et mettra en place une nouvelle dictature.
Le diocisme se régénère par la dictature et s'étend dans la dictature.
Quels que soient les bouleversements politiques, les changements
d'idéaux ou la victoire et la chute des clans, tout reste au service de
la machine administrative. Une véritable démocratie est un système où
l'administration est gardée sous contrôle, où elle est forcée de se
rendre utile à la population sans pouvoir se servir en retour. Les
américains l'ont bien compris. C'est
ce qui leur a permis de devenir le pays le plus puissant de la planète.
Le gouvernement américain actuel a sérieusement écorné cette primauté
mais je ne crois pas que les conséquences à long terme seront
catastrophique pour les Etats-Unis. Ce n'est qu'un peu de dictature
pour permettre aux
pétroliers américains et à quelques autres lobbies de se faire de
l'argent de poche...
Ils auront eu 8 ans pour engraisser un bon coup.
Quand on abat une dictature militaire, on ne dissout pas l'armée. De
même je ne prétend pas qu'il faire disparaître l'administration. Il
faut juste la contraindre à respecter la démocratie. Edith Cresson
expliquait les problèmes qu'elle a rencontrés en étant Premier Ministre
en France : "vous donnez des instructions, elles sont envoyées à qui de
droit. Puis ils ne se passe rien... Vous essayez de comprendre et vous
on vous apprend qu'un obscur fonctionnaire de province a décidé de ne
pas faire ce que vous lui dites..."
Je sens la férule de l'administration belge à de nombreuses choses :
Dans les années soixante on a résolu le problème du chômage en
augmentant massivement le nombre de fonctionnaires. Un peu comme dans
une
dictature on ramasse les orphelins pour en faire des militaires ou des
agents secrets...
Les rapports de l'administration à l'individu oscillent entre une
permissivité extrême et une rigueur absurde. Soit on vous laisse faire
n'importe quoi, soit on vous applique des règlements à la lettre, tous
les règlements et de préférence dans le mauvais ordre pour que
leur effet soit le plus destructif possible. Dans une dictature aussi
vous pouvez tomber sur un officier très sympathique qui usera de son
pouvoir pour vous permettre de faire ce que vous voulez, tout comme
vous pouvez tomber sur une personne mal lunée qui vous broiera.
Les règlements de l'administration sont érigés en valeurs
sacrées. Essayez de contredire un fonctionnaire, vous serez considéré
comme fou. On vous ouvrira les portes de l'enfer au nez.
Les règlements prolifèrent est s'insinuent dans la vie privée.
Tout est prétexte à passer de nouveaux règlements. Ils sont
la source du pouvoir des fonctionnaires. Plus de règlements, moins
d'intelligence et de bon sens. Cela fonctionne comme les règles de vie
dans une société fondamentaliste.
On essaye de structurer les entreprises et les associations
suivant des
schémas proches de ceux de l'administration.
L'administration est présentée un peu comme la mère affectueuse
de tous
les belges. Dans une dictature, le dictateur est le père protecteur....
En Belgique il y une symbiose entre l'administration et les
politiciens. L'administration tolère les exactions des politiciens tant
que ceux-ci préservent les intérêts de l'administration. Beaucoup de
politiciens sont issus de l'administration.
Les multinationales aiment bien l'administration belge.
Son écheveau de règles et
d'oppressions feutrées empêchent les belges de vivres, tout en étant
une matrice dans laquelle les équipes d'avocats des multinationales
trouvent leur chemin. Ces équipes participent d'ailleurs activement à
définir et à "améliorer" cet écheveau.
Les USA présentent une transposition intéressante du
problème. C'est
la terre des extrêmes. D'un côté, on prétend diminuer au
maximum le rôle des administrations d'état. Les juges et les sherifs
sont élus
par les populations locales. Un américain a le droit de travailler,
tout ce qu'on lui demande est de déclarer ses revenus. C'est là-bas
aussi que l'on
trouve des mouvements armés dirigés contre l'oppression
gouvernementale, avec des extrêmes comme l'attentat d'Oklahoma City
contre un immeuble du FBI. D'un autre côté, je crois que sur un point
la mentalité américaine a un effet
contraire de ce qui se passe en Belgique. Aux Etats-Unis, les postes
les plus convoités, tout en haut des administrations, sont remportés
par les individus les plus incapables. Là se concentre le diocisme,
avec des conséquences comme l'invasion de l'Iraq. Les explosions des
navettes spatiales Challenger et Columbia sont également dues à des
décisions de hauts fonctionnaires, de même que le fait que les
Etats-Unis continuent à
utiliser les navettes alors qu'elles ont démontré être beaucoup moins
fiables que les Soyouz russes des années '70. En Belgique, je trouve
que les
politiciens fédéraux sont plutôt l'élite des fonctionnaires. Plusieurs
d'entre eux
sont capables de tenir une conversation.
La main sur le berceau est la main sur le monde. Dans l'enseignement
belge la pression est massive pour fabriquer un maximum de
fonctionnaires (ou leurs équivalents industriels : les travailleurs à
la chaîne) :
On n'apprend que des procédures aux enfants. Une procédure par
problème... Alors qu'il existe une infinité de façons de résoudre un
problèmes de Physique ou de Mathématiques. Un véritable enseignement
consiste au contraire à apprendre à voir un problème sous toutes ses
coutures. C'est la voie vers les volutes des philosophies.
Dans un pays avancé, la majorité des enfants sont capables de
lire et d'écrire correctement à 12 ans. En Belgique, une majorité
d'enfants de 18 ans sont incapables de lire des textes complexes ou
d'écrire sans faire des fautes d'orthographe graves. Ne parlons pas de
ceux qui ne peuvent plus s'exprimer autrement que par onomatopées.
Des étudiants reçoivent un diplôme universitaire de Licencié en
Informatique en n'ayant aucune notion de ce qu'est un byte ou un octet
!
La façon dont l'administration a dégradé l'enseignement en Belgique est
assez subtile. Les budgets de l'enseignement belge sont parmi les plus
élevés au monde... La majorité des enseignants sont qualifiés... Les
cours contiennent des choses intéressantes... On a procédé par des
angles d'attaque plus insidieux :
Saper la motivation des enseignants par diverses vexations :
baisses ou retards de salaire, devoirs administratifs...
La transmission du savoir est une magie entre un maître et un
élève. L'administration fait sa grosse crasse au milieu du processus en
imposant ses
"approches pédagogiques officielles". Chaque nouvelle approche
pédagogique est sensée remédier aux infimes problèmes de l'approche
précédente...
Rendre les examens facultatifs. L'administration pourrait imposer
des examens d'état impartiaux, qui diraient de façon claire le niveau
de chaque élève. Et bien non... curieusement sur ce point
l'administration laisse faire. Tout en obligeant les enseignants à
avoir des taux de "réussite" élevés. Résultat : les enfants n'ont
presque plus aucun travail à fournir pour réussir leurs années. En
particulier, il ne leur est pas nécessaire de réfléchir. Ou très peu...
juste ce qui est nécessaire pour faire du travail administratif plus
tard.
Rendre les diplômes obligatoires pour tout. On n'apprend plus
grand chose
dans les écoles, mais les diplômes sont obligatoires... Vous
n'existez que si vous êtes diplômé. C'est paradoxal. Cela s'explique
parfaitement si l'on comprend que c'est l'administration qui distribue
ces diplôme et qu'elle les distribue non aux personnes qualifiées mais
aux personnes qui ont prouvé qu'elles se pliaient à l'administration.
C'est à dire ceux
qui font les travaux qu'on leur ordonne de faire, aussi creux,
répétitifs et inutiles soient-ils. Faire des travaux scolaires, c'est
comme manger tous les jours la même chose. On change juste les
colorants et les parfums... et au fil des années ça devient un peu
plus difficile à mastiquer...
La main-mise de l'administration sur les esprits est presque parfaite.
Des parents tremblent à l'idée que leurs enfants ne soient pas
diplômés, tout
comme jadis on tremblait à l'idée de ne pas être enterré en terre
consacrée. L'administration est le clergé moderne.
On n'imagine plus de vivre sans administration, tout comme un homme du
Moyen Age n'imagine pas vivre sans Dieu et vénère les prêtres. Les
règles administratives
sont sacrées. Le dogme est clair sur un point : l'administration
veut le bien de tous. L'inquisiteur qui vous torture est un saint
homme. Il vous permet de racheter votre voie vers le paradis... Vous
prétendez que l'administration vous détruit
de façon gratuite et totalement inutile ? Mais vous êtes fou ! Vous
critiquez l'administration ? Mais sans l'administration ce serait le
chaos Monsieur ! Tenez-vous à ce que les femmes courent nues en hurlant
dans les rues, que les enfants trucident leurs parents à coups de
hachoirs ?! Allons, asseyez-vous, vous allez vous sentir mieux,
vous verrez...
Les historiens proposent de nombres hypothèses pour expliquer la chute
de l'Empire Romain d'Occident : le plomb dans les cuves de cuisson du
vin, la sédentarisation des corps d'armée, la fin des mines d'or
d'Espagne, le blocage par les frontière naturelles... Une de ces
hypothèses est un encrassement des rouages du pays par une
administration de plus en plus envahissante. Est-on bien sûr que
l'administration romaine est morte avec le corps qui la portait ? Ne se
serait-elle pas plutôt transformée en administration religieuse ?
476 après Jésus-Christ est la fin de l'empire romain de
bon-papa. Mais l'administration, elle, a continué de vivre... sous une
forme plus "spirituelle". Le Moyen Age nous semble destructuré. Sur le
plan religieux il est extrêmement structuré.
Que faire pour lutter contre la bête ?
Développer nos talents personnels. l'administration a horreur des
artisans, des indépendants... Il faut sortir des rouages
fonctionnaires. Chez combien de personnes n'ai-je pas
constaté cette certitude imprimée par l'école : "je suis bête, je ne
suis capable de rien".
Apprendre à vivre ses émotions. Et non celles que
l'administration vous dit de faire semblant d'avoir.
Développer la solidarité. L'insécurité créée par l'administration
belge pousse à la délinquance et permet le règne des petites mafias.
Faire des examens d'état et des examens d'entreprise. Il ne faut
plus que le diplôme soit un sésame. Imposer le diplôme, c'est tuer le
diplôme. Imposer les études, c'est tuer les études. Il faut que les
entreprises retrouvent leur autonomie intellectuelle. Certaines écoles
supérieures belges ont été fondées il y a plus de cent ans par des
grandes entreprises. Elles avaient voulu centraliser et optimiser la
formation
de
leurs cadres. L'administration belge n'a pas tardé à manger ce
territoire-là aussi... pour le bien de la population et l'équité, cela
va de soi...
Retrouver nos racines. Dans les évangiles, le combat du Christ
est un combat contre l'administration, qu'elle soit romaine ou juive.
Il aura fallu 443 ans à
l'administration pour intégrer le christianisme et apprendre à s'en
servir contre le peuple.
L'administration recule devant les puissants, elle négocie. Il
faut protéger les démunis. Actuellement on prétend faire payer aux
chômeurs les problèmes économiques de la Wallonie. On les met à la
merci
d'administrations comme l'ONEM ou le FOREM. Il
faut empêcher cela. Quand l'administration s'en prend aux plus faible,
c'est pour manger le reste après.
Ne nous cantonnons pas derrière la justice. On le dit : les juges
sont le dernier rempart de la Belgique contre la bête administrative.
Ils imposent un peu d'humanité et de bon sens. J'ai un jour eu un gros
problème avec une administration. J'ai eu un procès alors que j'étais
parfaitement en droit. Le juge m'a compris et m'a donné de
bons conseils pour m'en sortir mais il a tout de même prononcé le
jugement demandé contre moi par l'administration... Il ne faut pas
prendre
l'administration pour plus bête qu'elle n'est. Elle s'est servi d'une
de ses facultés pour dégrader au maximum la justice belge :
l'engluement
administratif. En d'autres termes : l'arriéré judiciaire. (Un arriéré
judiciaire qui dure depuis des dizaines d'années, dans un des pays les
plus denses en fonctionnaires, vous trouvez cela normal ?)
La définition du bourgeois est qu'en toutes circonstances il trouve les
leviers pour assurer son confort. Le bourgeois est dorloté en Belgique.
L'administration lui offre un tissu informe dans lequel il gratouille.
Il trouve des moyens alambiqués pour payer moins d'impôts, des petites
malhonnêtetés que l'administration laisse faire... Laisser faire de
petits délits est une pratique commune dans les dictatures. Une
personne qui "profite" préfère qu'on ne la remarque pas. Elle reste
bien tranquille dans son coin. Si elle dérange ou si l'administration
veut obtenir quelque chose d'elle, il suffit de faire allusion à une de
ses "petites manies"... Un bon bourgeois
flaire les changements. Certaines malhonnêtetés finissent par être
punies, il faut donc les arrêter à temps. Avoir au moins un membre de
la famille dans l'administration est une valeur dans la
bourgeoisie belge. Ou avoir un travail à mi-temps dans
l'administration. Un pied dans l'administration, c'est l'avenir
assuré. Petit fonctionnaire, c'est déjà bien. Si vous avez un
grade élevé dans le clergé, c'est encore mieux...
Un voleur est une personne qui prend quelque chose qui ne lui
appartient pas. Un escroc est un voleur qui met en place une combine
élaborée pour voler des biens. Par exemple une équipe d'escrocs peut
faire construire un immeuble inutile sur fonds publics. Ils ne
réussiront à empalper que 1% voire moins, de l'argent qui est entré
en
mouvement mais cela représente déjà une belle somme. Les 99 autres %
sont... simplement jetés puisque l'immeuble ne sert à rien. On ne fait
pas d'omelette sans casser un
navire transportant des oeufs... L'administration belge joue à un jeu
parallèle : en faisant respecter les règlements à la lettre, un
fonctionnaire peut
gagner des points, briguer une promotion. Peu importe que ce faisant il
ait détruit des familles, des entreprises ou poussé des personnes au
suicide... Certains fonctionnaires ont l'humanité de reconnaître que le
règlement qu'ils appliquent est inadapté... mais ils l'appliquent. Les
grands fonctionnaires se payent des travaux publics qui leurs plaisent,
octroient des pensions d'artistes ou d'invalides à leurs protégés...
L'administration étant partout en Belgique, cela coûte des fortunes.
Elle serait un paradis si
elle n'était pas mangée par l'administration. Parfois
le
fonctionnement des fonctionnaires est vraiment difficile à capter. Un
ami journaliste m'explique que dans l'administration où il travaille,
le service des achats achète toujours le même modèle de micro. Ils
coûtent une fortune, sont de taille énorme et sont tellement sensibles
qu'il faut placer un écran entre l'orateur et le micro. Une vraie
punition. Les journalistes et les ingénieurs du son pleurent depuis des
dizaines d'années pour avoir des micros plus petits, dix fois moins
chers, plus pratiques et tout aussi bons. Sans succès...
Avez-vous remarqué le sourire de certains fonctionnaires quand ils
sentent le pouvoir qu'ils exercent sur vous ? C'est une drogue.
L'administration offre du pouvoir à des personnes sans qu'elles
fournissent le moindre effort, sans qu'elles aient la moralité
nécessaire. Je me souviens d'un fonctionnaire. Il était comme fou. Il
appliquait tous les règlements, même les plus inutiles. On sentait sa
main jouissive serrée sur sa petite part de pouvoir. Je me suis
retrouvé avec les menaces les plus horribles, sans raisons objectives.
Par chance un deuxième fonctionnaire était de mon côté et a signalé des
erreurs dans les décisions. J'ai eu le premier au téléphone peu après,
il était comme un chien en rage retenu par une chaîne. Vous pouvez vous
approcher de lui, cela fait beaucoup de bruit, c'est impressionnant
mais c'est sans danger... Il était proprement injurieux contre le
deuxième fonctionnaire, qui n'avait pourtant fait qu'imposer la loi, et
encore, seulement sur les points les plus grotesques. J'ai eu de la
chance cette foi-là. Mais comment font les gens isolés ? Combien de SDF
ne sont pas à la rue à cause de tels fonctionnaires ?
Un "fonctionnaire qui dit non" peut vous faire perdre de l'argent voire
votre travail, votre logement, votre famille, votre santé ou votre vie.
Trouver un fonctionnaire compétent est généralement la meilleure
parade. Un ami est un jour sorti furieux d'un bureau des impôts parce
qu'on venait de lui réclamer un montant supplémentaire, qu'il estimait
indû. Il a attiré l'attention d'un autre fonctionnaire... qui a
appliqué la loi et... lui a fait gagner de l'argent. Mais méfiez-vous
également des "fonctionnaires qui disent oui". Ils sont aussi
incompétents que ceux qui disent non et aussi dangereux. Un ami a un
jour téléphoné à l'administration des impôts pour demander quel calcul
il devait appliquer. Le fonctionnaire lui a répondu que c'était le
calcul le plus avantageux. Cet ami est haut fonctionnaire lui-même et
la question était simple et précise. Il est peu probable qu'il ait mal
compris la réponse du fonctionnaire au téléphone. Quelques années plus
tard les impôts lui ont signalé qu'il aurait dû appliquer l'autre
calcul et qu'il devait maintenant payer la somme due. Il a dû se serrer
la ceinture pendant quelques années et n'a pas pu offrir à ses enfants
ce qu'il voulait... Il a commis une erreur : il aurait du demander une
trace écrite. Il aurait dû demander un document officiel confirmant le
calcul qu'il devait appliquer. S'il avait pu présenter ce papier lors
du contrôle, il aurait eu moins de problèmes. Méfiez-vous également des
politiciens qui profitent de ces situations. Certains politiciens se
font connaître de leurs électeurs en jouant au fonctionnaire compétent.
C'est tout à leur honneur. Ils prouvent par là leur aptitude à faire
survivre la tribu dans la jungle, je veux dire dans l'administration.
Le problème est que certains d'entre eux vous font croire qu'ils ont
fait jouer des relations pour vous, voire qu'ils ont fait contourner la
loi en votre faveur. Evitez de tomber dans ce piège...
En Union Soviétique, les gradés de l'armée étaient flanqués d'un
commissaire politique. Le rôle du commissaire politique était d'assurer
"la conformité des idées militaires aux idéaux soviétiques".
Traduction : assurer les intérêts de l'administration communiste. Le
pouvoir des commissaires
politiques est une des raisons de la débâcle russe quand les nazis ont
attaqué en 1941. Un simple commissaire politique, dont les mérites se
limitent à avoir ingurgité avec zèle l'endoctrinement communiste,
pouvait empêcher un général d'armée de faire son métier... Staline l'a
admis et a diminué leur pouvoir... jusqu'à la fin de la guerre. En
Belgique aussi, un simple fonctionnaire peut par exemple balayer d'un
revers de la manche des décisions de votre médecin. Si vous
êtes capable de vous défendre et si la situation est ostensiblement
burlesque, votre médecin l'emportera. Mais dans certains cas
l'administration dispose de médecins félons qu'elle fait jouer
contre votre médecin. Par exemple un de mes amis est gravement
handicapé. Il ne lui reste qu'un petit bout de poumon. Il ne peut pas
marcher plus de cent mètres et le moindre effort physique le met sur
les genoux, haletant horriblement. Il n'a jamais pu se faire
reconnaître comme handicapé. Il vit à la limite de la misère. Quand
j'étais à l'école on m'a endoctriné à l'idée que la Belgique est un
pays merveilleux où les pauvres et les handicapés sont aidés avec amour
et compassion. On a obtenu ma coopération et ma bonne volonté en me
faisant miroiter cela. On m'a fait croire que je faisais partie d'une
grande famille. La Belgique est certainement un pays plus social que
d'autres. Mais ce qu'on m'a dit à l'école est trop souvent faux.
Pourquoi les fonctionnaires refusent-ils un statut ou une aide à des
personnes qui en ont manifestement besoin ? Il y a des quotas, bien
sûr. Mais cela n'explique pas tout. En théorie ces quotas sont
légitimes, ils sont représentatifs du nombre de handicapés dans une
région. Je me demande si l'explication n'est pas que ces statuts
"privilégiés" sont d'abord distribués aux protégés de l'administration.
Si vous êtes dans le système, un souffle un peu court et vous pouvez
bénéficier d'une pension d'handicapé. On vous le proposera même avant
que vous n'y ayez pensé. J'ai assisté à de telles conversations dans
des bureaux de l'administration. Si les places sont distribuées aux
protégés... il n'en reste plus pour les autres. Il en va probablement
de même pour le statut d'artiste et d'autres "tiroirs" du même type.
Mon impression est que la Belgique fait une erreur en créant tous ces
status : chômeur, artiste, invalide temporaire sur la mutuelle,
invalide définitif sur la prévoyance sociale, nécessiteux au CPAS,
pensionné, étudiant... Toutes ces cases sont autant
d'engrenages que l'administration utilise à son profit. On parle
régulièrement
de l'allocation universelle. Cela consisterait à donner à chaque
personne
une petite somme fixe tous les mois (par exemple 500 €) et à faire
payer un pourcentage
fixe d'impôts sur les revenus (que l'on gagne 1.000 ou 100.000 €
par an, on payerait toujours le même % d'impôts). Ce serait une
simplification massive.
En théorie cela ne changerait rien aux revenus de chacun et au montant
des impôts.
Le reproche que l'on fait à l'allocation universelle est que les gens
ne feraient plus
rien, ils se contenteraient de toucher leur allocation. Je répond à
cela que presque
personne ne peut vivre de façon décente avec 500 € par mois. Je répond
aussi que si l'on veut un pays
"nerveux", où le travail est fait d'ambitions et de challenges, on peut
permettre aux
entreprises d'engager et de virer du personnel avec plus de liberté, à
l'américaine.
On peut parfaitement créer un système à la fois plus humain (basé sur
l'allocation universelle)
tout en devenant plus compétitifs et ambitieux au travail.
L'administration fera tout pour empêcher cette humanisation,
parce qu'elle y perdra du pouvoir. Un exemple type : certaines
personnes
utiliseront leur "500 €" mensuels pour aller s'installer dans des pays
où le coût de la vie est
plus bas. Cela signifie qu'au lieu de persécuter la population dans un
rideau de fer drapé de velours,
l'administration belge devrait faire preuve d'imagination et de
compréhension
pour donner de bonnes raisons aux belges de vivre et de travailler en
Belgique...
tout ce qu'elle ne sait pas faire. (Cela peut aussi se régler avec des
critères administratifs mais passons...)
Une question : l'administration nous explique qu'il faut être
dur avec les faibles et les démunis parce que sinon ils deviendraient
fainéants. Pourquoi alors
est-elle aussi laxiste avec les fonctionnaires ? En Belgique, une fois
que vous avez
fait allégeance à l'administration et que vous êtes nommé, vous pouvez
vous la couler douce. Des
amis fonctionnaires m'expliquent leur mode de vie au bureau... c'est
décadent.
Ils se sentent humiliés par leur inutilité.
Les congolais ont été broyés par le fonctionnariat belge.
Voyez ce que leur pays est devenu... Les humiliations dont parle le
discours de Patrice Lumumba sont celles que subissent les belges, de
façon plus
feutrée.
Au Congo l'administration belge a été toute puissante, elle n'avait
plus aucune
retenue. Si vous écoutez les fonctionnaire coloniaux belges... ha mais
les petits congolais étaient choyés savez-vous... quelle chance ils
avaient ! Les ressources minières et agricoles produites par
l'esclavage colonial ont été brûlées dans deux guerres mondiales. Le
système administratif mondial vise à présent plus haut : la destruction
de
l'humanité par effet de serre. Youpi ! Ou plutôt : l'administration va
utiliser
cette menace pour augmenter son pouvoir. Sommes-nous obligés de nous
laisser faire ?
J'ai
un jour eu la possibilité de devenir enseignant. C'est très
curieux. La première chose que j'ai lue dans les papiers que l'on m'a
remis sonne comme "l'enseignement belge vise à développer
et épanouir chaque personne au mieux de ses possibilités". Après avoir
lu
le reste des documents et m'être un peu renseigné, j'ai compris que ce
développement et cet épanouissement des étudiants était la seule chose
qu'il
m'était absolument interdit de faire. J'avais le droit de rédiger un
bon cours. Je crois
que beaucoup d'enseignants belges rédigent de bons cours, en fait. Mais
hors de question que je m'en serve pour développer l'esprit des
étudiants. Des amis m'ont demandé plus tard si je n'aurais pas tout de
même pu développer l'esprit de certains étudiants, par la bande... Un
ami a essayé. Il m'a raconté que ce sont les étudiants eux-mêmes qui
l'empêchent. Ils sont déjà formatés par le système. Dans une classe il
y a un ou deux étudiants qui ont l'esprit un peu libre, les autres sont
l'oeil de Moscou et exigent des procédures et
des résultats garantis... Je crois qu'à la maison leurs parents exigent
des
résultats scolaires mais ne passent pas de temps avec leurs enfants,
ne jouent pas avec eux avec les matières scolaires.
Le savoir ne fait pas partie de leurs pensées. Ce n'est pas une valeur.
Seul compte le diplôme : le sésame pour les saintes administrations.
A une
autre occasion j'ai donné des cours de rattrapage scolaire. Quand des
enfants ont des problèmes avec une matière, mon réflexe est de leur
expliquer la matière. Je leur explique son histoire, à quoi elle sert,
ce que moi-même je fais avec... Certains enfants sont passionnés. La
matière leur apparaît comme vivante, presque naturelle... Ces
enfants-là développent un rapport personnel avec les sciences, la
littérature... D'autres enfants par contre me trouvent extrêmement
irritant. Leur seul objectif est de réussir l'examen scolaire. Ils
veulent les procédures et les marches à suivre. Ils se fichent
des sciences et de la littérature, ils n'ont même pas
réellement conscience que cela existe. Ils sont immergés dans un monde
de règles et de procédures. Ils appliquent la même mécanique à toutes
les matières. Je leur fait perdre leur temps... J'ai cru remarquer que
le premier type d'enfants a des parents chaleureux. Ils reçoivent de
gros câlins. Leurs parents prennent du temps pour les comprendre et
organiser ce qui est bon pour eux. On dirait que ces enfants déploient
le même amour à comprendre les sciences et la littérature. Ils sont
patients avec les problèmes qui leurs résistent, ils sont imaginatifs
pour trouver des solutions, ils collectionnent les nouvelles idées
comme autant d'objets précieux... Le deuxième type d'enfants semble ne
recevoir aucune chaleur humaine. Leurs émotions sont réduites à un
petit tas de poussière douloureuse. Ils doivent réussir leurs examens,
point à la ligne. Sinon le monstre sec les déchiquettera. Ils me font
un peu penser à ces orphelins que l'on parque dans certaines
dictature et que l'on élève à la dure pour en faire des policiers ou
des membres des services secrets.
A propos d'épanouissement des étudiants, d'anecdotes de l'ère
soviétique et de fonctionnaires qui disent oui, en voici une belle. En
Union Soviétique la Géologie a été interdite. Pourquoi ? Parce que la
Géologie enseigne que lorsque qu'un terrain est comprimé latéralement
il se plisse, ensuite ces plis peuvent se coucher sur le flanc. Ce
faisaint, certaines couches de terrain se retrouvent sous d'autres
couches. Les fonctionnaires communistes ont bondit en lisant cela.
D'après la doctrine soviétique, tous les individus sont égaux. Un
groupe d'individus ne peut pas dominer un autre groupe d'individu. Si
la Géologie enseigne que des couches de terrain recouvrent d'autres
couches de terrain, donc les dominent, la Géologie est contraire à la
doctrine soviétique donc elle est fausse. Cet amalgamme entre une
doctrine politique et une science exacte révèle le niveau de
déculturation et de superstition abrutie des fonctionnaires
soviétiques. Un pareil extrême est en principe peu probable en
Belgique. Ce qui est arrivé à une amie n'en est pourtant pas si loin.
Après avoir zoné pendant quelques années, la maturité venant elle
décide de faire des études universitaires. Elle est au chômage et
demande à son syndicat si cela ne pose pas de problèmes. Le
fonctionnaire du syndicat lui donne le feu vert. Elle réussit ses
examens, avec quelques heurts, mais elle réussit. Ce qui lui arrive là
est ce que chaque parent belge souhaite pour ses enfants. Elle a pris
sa vie en main... A la fin de la deuxième année l'administration la
rattrape par le collet : "ah mais mademoiselle, vous n'avez pas le
droit de faire des études en cours du jour en étant au chômage. Des
cours du soir vous pouvez. Mais pas des cours du jour." Pour des cours
du jour, elle aurait dû passer du chômage au CPAS... L'administration
lui réclame maintenant le remboursement de deux années de chômage.
C'est son cadeau de bienvenue dans la vie active... Admettons que le
chômage demande au CPAS de régulariser la situation en payant le
montant de ces deux années... que ces deux administrations s'arrangent
entre elles et qu'on laisse mon amie continuer son ascension...
Tututut... les règles administratives priment sur la vie. Il n'y a pas
la moindre intention de tricher de la part de cette amie, ni même de
laisser aller les choses. Elle s'est renseignée avant de commencer...
Gnac, l'administration la tient maintenant à la gorge, avec les ongles
bien plantés. Elle fait ses examens de deuxième année en sachant qu'un
huissier peut venir prendre le moindre luxe qu'elle aurait chez elle.
On lui explique que si elle trouve du travail après ses études, ce sera
pour rembourser la dette que l'administration vient de lui inventer.
Welcome ! A côté de ça, elle voit des gosses de riches qui font leurs
études en grand confort, payées par l'état, et même certains d'entre
eux qui recommencent sans cesse de nouvelles études parce que le monde
du travail les effraye et qu'ils préfèrent le ronronnement académique,
toujours aux frais souriants de l'état... Passer au CPAS ne faisait
aucune différence pour mon amie. Elle y aurait même un peu gagné. En
restant au chômage elle a fait faire une petite économie au système.
L'administration trouve qu'il n'y a pas eu le bon échange de
formulaires au bon moment. Alors... "on est désolés mademoiselle. On
sait bien que vous êtes jeune et jolie mais on doit vous tirer une
balle dans la rotule du genoux... c'est le réglement. Vous ne saviez
pas qu'il fallait utiliser le formulaire 12A qui est vert et non le 12B
qui est bleu ? On vous avait donné le 12B ? Je comprends... Oui oui, je
sais, il est imprimé la même chose sur les deux formulaires. Mais nul
n'est sensé ignorer la loi mademoiselle. Bon les gars, vous la tenez
comme il faut. Et placez bien la planche sous le genoux pour amortir la
balle."
Travailler en Belgique est difficile. L'administration vous empêche de
travailler. Elle vous chantera le contraire sur toutes les mélodies
possibles mais dans les faits c'est ainsi. Par exemple pendant
longtemps j'ai fait des reproches polis à des personnes qui travaillent
au noir. J'ai fini par me rendre compte qu'elles n'avaient pas le
choix. Une fois qu'elles m'avaient exposé leur situation, je ne voyais
pas ce que j'aurais pu faire moi-même pour la légaliser... Je crois que
le fondement de ce problème est relativement simple. L'administration
belge n'accepte une activité quelconque que quand elle lui rapporte
quelque chose. Cela peut être de l'argent sous forme d'impôts, du
prestige, de nouveaux domaine où exercer son contrôle... tout ce que
vous voulez. Toutes les formes de pouvoir primaire sont prisées. Si une
activité est
utile au pays
mais ne rapporte pas de façon immédiate quelque chose à
l'administration, elle sera
écrasée. Les mères au foyer son tolérées. Les travailleurs bénévoles
sont sévèrement régimentés. Même une activité nécessaire à votre survie
immédiate et qui ne nuit à personne, peut être condamnée par
l'administration. Le cauchemar de l'administration est de perdre sa
main-mise. Peu lui chaud que le pays soit malade et peu rentable, peu
lui importe la détresse des individus, tant qu'elle garde le contrôle.
Je décris l'administration comme une entité qui survit à
tout et qui peut prendre des formes multiples. Même quand deux pays
sont en
guerre, les actes de l'administration de l'un sont favorables à
l'administration de
l'autre. L'administration est le seul vainqueur d'une guerre. Si nous
étions en des temps religieux, je supposerais sans doute que
l'administration est un grand démon tapi quelque part. Je lui donnerais
un nom, j'intéresserais mes
lecteurs en racontant les aventures de ce démon... Il faudrait que je
vérifie si un des démons du judaïsme ne correspond pas à la
description... La pensée religieuse est utile dans la mesure où elle
parle parfois mieux à nos émotions. Elle convient aux enfants. Le
propre de la pensée moderne (que l'on ai la foi ou non) est de refuser
cela. Le diocisme n'est pas une entité pensante. Elle n'est qu'une
erreur que tendent à faire les groupes humains. Cette erreur est
gérable. La seule condition pour qu'elle puisse être gérée est de voir
et de comprendre comment elle fonctionne. L'administration n'est pas
Dieu. Admettons poétiquement que l'homme doit être au service de Dieu.
Mais l'administration doit être au service de l'homme...
L'administration a ses points faibles :
Comme la fourmilière, elle n'est pas rancunière. Elle vous
attaquera en masse si vous passez le petit doigts mais le jour suivant
elle aura tout oublié.
Elle a ses fractures. Les syndicats qui se sont constitués au
20ème siècle sont des administrations lancées à l'assaut de la graisse
des administrations industrielles. Ce combat a colmaté des
injustices criardes. Un pays ne peut pas devenir fort s'il n'a pas des
syndicats libres en son sein. Ce combat entre des lambeaux
d'administration peut aussi mal finir. Par exemple dans ma région il
s'est constitué une mafia autour des syndicats, qui a pris le pouvoir.
Elle est maintenant au coeur de l'administration et gère les choses au
plus mal, jusqu'à faire de la région une partie sinistrée de l'Europe.
La faute en est bien sur donnée aux vilains industriels qui sont partis
en
laissant les pauvres wallons privés de leur dieux cargo... Je crois que
de nouveaux combats syndicaux doivent être commencés et peuvent venir à
bout de cette mafia.
Il faut compter sur les fonctionnaires restés fidèles à
l'humanité. On se plaint du fonctionnement de l'administration belge
pendant l'Occupation mais il y a aussi eu des fonctionnaires belges qui
ont permis à des familles juives d'échapper à la machine administrative
allemande.
Les fonctions d'intelligence de l'administration se résument
souvent à des cases sur des bouts de papier.
L'administration belge est antipatriotique. Elle vous dégoûte d'être
belge. Combien de mes connaissances ne me racontent pas ce que leur ont
fait des fonctionnaires pour justifier leurs petites malhonnêtetés. Ces
amis trichent un peu partout et ne vont plus voter.
C'est une erreur fondamentale. Ils sont manipulés par l'administration
(qui a rendu le vote obligatoire, notez...).
L'administration ne sert qu'elle-même. Elle ne sert pas la nation
belge.
Si vous n'aimez pas les couleurs du drapeau belge ou si vous trouvez
l'hymne national ringard, c'est votre droit. N'allez pas à l'encontre
de
vos sentiments. Mais le territoire belge est la
zone géographique sur laquelle votre pouvoir de citoyen s'exerce.
Assumez ce pouvoir.
En Belgique les petits partis sont privés de dotation et n'ont
virtuellement pas accès aux média. Un membre d'un petit parti politique
belge m'a expliqué que cela va plus loin. Son parti a suivi la
procédure légale qui consiste à recueillir des listes de signatures de
citoyens pour pouvoir se présenter aux élections. On leur a tout fait
pour invalider ces listes : cachets administratifs aux mauvais
endroits, policiers qui vont voir les gens pour leur faire retirer
leurs signatures, retards... Je précise qu'il ne s'agissait pas d'un
parti d'extrême droite, ni d'extrême gauche. Ce n'était même pas un de
ces petits partis aux idées loufoques comme il en existe. C'était un
parti plutôt de droite, avec des idées sensées, parfois trop
optimistes... Je me suis
demandé à quel parti politique appartenaient les fonctionnaires qui ont
bloqué les listes. La réponse m'apparaît maintenant, toute simple. Ils
appartiennent au parti unique : l'administration.
J'ai essayé de comprendre. Comment est-il possible qu'autant de mes
amis aient eu des problèmes aussi graves avec l'administration, qu'on
leur ait fait autant d'ennuis et qu'on leur ai inventé des amendes
aussi exorbitantes, sans qu'ils n'aient rien fait de mal ou des
broutilles ? Une expression a fini par décanter dans mon esprit :
"nettoyage ethnique". Ce n'est pas l'expression rigoureusement la mieux
appropriée à la situation mais à y repenser je crois qu'elle résume
l'essentiel du phénomène. Nous sommes dans une situation d'apartheid
mais
sans races, sans ethnies et sans drapeaux. Il y a tout au plus
quelques vagues idéologues, saupoudrés sur le territoire.
L'administration est une masse informe qui réclame sans cesse plus de
"Lebensraum". Vous êtes avec l'administration ou vous êtes contre
l'administration. Si vous n'êtes pas avec l'administration, vous êtes
fautif et redevable par défaut. Cela me fait rigoler, cette propagande
perpétuelle contre l'extrême droite. D'une certaines façon les gens
d'extrême droite sont les juifs de notre administration. Ils lui
servent à occuper la foule. Cette union sacrée des quatre partis
"démocratiques" à Anvers... c'est la situation tacite de toute la
Belgique. A priori je ne vois pas d'inconvénient à ce que les petites
frappes de l'extrême droite se voient utiliser leurs propres méthodes
contre elles-mêmes. En deuxième analyse je ne suis plus si sûr que ce
soit vraiment une bonne idée. Nous sommes en train de nous faire avoir.
Le remède à cette ségrégation est d'abord de la dénoncer et de
l'expliquer.
J'ai eu la visite d'un ami menacé d'être expulsé de son logement. Il
m'a parlé d'un ami médecin qui a eu un bel appartement
dès le début de ses études universitaires, au tarif des logements
sociaux, et qui a pu le conserver après ses études, toujours au
même tarif social alors qu'il gagne bien sa vie. Le médecin explique
volontiers ce petit miracle aux personnes qui visitent son appartement
:
il est proche des éminences du parti socialiste. J'ai moi-même visité
l'appartement d'une modeste infirmière. On
aurait dit la suite d'un ministre. Grandes pièces, salon en cuir noir,
terrasse champêtre avec vue... Le petit ami de l'infirmière m'a
expliqué, très
fier, qu'elle était proche d'une personnalité socialiste de la région.
Toute la tour où se trouve cet appartement porte officieusement le nom
de ce politicien. Elle été construite avec des fonds publics mais c'est
lui qui décide de qui a le droit d'y habiter. Etre un politicien en vue
semble consister à se forger un petit
empire, par exemple constitué de tels immeubles. C'est un art. Il
faut savoir être dur avec certaines personnes et caressant avec
d'autres, rendre service, créer des dettes, savoir trahir ses amis au
bon moment... Une fois que vous êtes installé, on vient spontanément
vous demander de "parrainer" la construction de tels immeubles. Ces
politiciens ont tout intérêt à ce que la région aille le plus mal
possible, qu'il y ait un maximum de personnes dans une situation plus
ou moins précaire. Leur travail consiste à gérer des fonds publics,
des dons ou des aides internationales, en redistribuant un maximum
entre leurs protégés. Il ne faut *surtout pas* que ces fonds servent à
améliorer l'enseignement ou à créer de nouvelles industries. L'ami qui
est venu me voir, lui, risque d'être expulsé de son logement parce que
des fonctionnaires ont débarqué pour vérifier si l'immeuble était
conforme aux normes. Il y a toujours des choses à améliorer dans
un vieil immeuble... mais
objectivement une bonne partie de ce que les fonctionnaires ont imposé
est inutile et surtout hors de prix. Je comprend le propriétaire qui
capitule. Tout a été fait pour le dégoûter. Il s'est fait traîner dans
la boue verbalement, on lui impose des travaux sans lui donner de
normes puis on l'informe qu'il aurait dû savoir qu'il n'a pas fait les
choses comme il faut, chaque fois qu'il termine un travail on l'informe
d'un nouvel aménagement à faire, plus cher et plus dur encore... Ces
fonctionnaires semblent vivre dans la superstition que les
propriétaires sont des salauds richissimes et qu'il faut les pressurer.
Un de leurs trucs consiste à imposer quelque chose qui semble simple et
de bon sens. Vous vous rendez compte après que cela déclenche un
processus, qu'il y a des démultiplications et des trappes en
accordéon... La chose toute simple devient un cauchemar. On dit dans
les média qu'il manque de logements
sociaux. Ce vieil immeuble contenait quelques logements bon-marchés où
on vivait bien. Les fonctionnaires sont passés et ont tout explosé. Je
suppose que l'immeuble sera démoli. A la place on construira un
immeuble pour riches ou pour protégés du parti socialiste... On me
parle assez souvent de propriétaires qui laissent tomber, qui
n'entretiennent plus leurs immeubles... Beaucoup
de fonctionnaires savent parfaitement comment fonctionne le parti
socialiste. Ils en rient ou ils s'en vantent... Parfois ils s'en
plaignent mais ne voient pas de solution. Il y a une relation
privilégiée entre
l'administration et ce parti. Récemment quelques coups de pic
à glace ont été donnés dans l'édifice... Des élus du MR ont dénoncé les
mécanismes, des
fonctionnaires ont donné des détails à la presse... Entre ce qui a été
dit et ce que j'en connais, on n'a encore exposé que le sommet de
l'iceberg.
Quand j'étais à l'école on m'expliquait qu'il y a deux sortes d'études
supérieures. Les études "courtes" sont pour les personnes qui veulent
juste apprendre les bases, pour être capable d'utiliser les machines.
On
devient infirmier, laborantin... Les études "longues" sont pour les
personnes qui veulent comprendre les choses, être capables d'inventer
de nouvelles machines et assumer des responsabilités. On devient
médecin, ingénieur... J'ai été étonné de constater que dans la réalité
la situation était souvent inverse. Beaucoup de personnes
faisant des études "courtes" ont un esprit ouvert et comprennent le
fonctionnement des choses. A l'inverse la majorité des
universitaires sont bornés, carrément dangereux. Une explication de la
chose est que comme les études universitaires sont le sésame pour le
pouvoir, les familles y forcent leurs enfants, ce qui aboutit à un
effondrement du niveau général. D'autant que les pires des étudiants,
travailleurs mais incapable de trouver un emploi dans le privé, restent
à l'université pour y faire carrière. Un ami a attiré mon attention sur
une autre explication : le niveau intellectuel des études dans les
institutions économiques et commerciales est souvent très supérieur au
reste des études universitaires. C'est logique : le vrai pouvoir est
dans l'économie. Des études supérieures d'Economie, qui incluent du
Droit et de la Gestion, sont une bonne introduction aux postes élevés
dans les administrations publiques et privées. C'est donc là que les
familles les plus puissantes vont caser leurs enfants. Les études de
médecin ou d'ingénieur sont considérées comme des fossiles du passé. Ce
sont les enfants des familles "hors du coup" qui s'y concentrent. On ne
cherchera pas à développer leur intellectualité, pas plus qu'on ne
cherchait à développer celle des contremaîtres au début du XXème
siècle. Les vraies études, c'est en économie. A mon sens il y a là un
danger fondamental. Ces gens qui vivent dans la bulle économique et qui
ont tous les pouvoirs, sont détachés des réalités matérielles et
humaines. L'économie constitue pour eux un gigantesque jeu vidéo. Le
Crash de Wall Street a eu lieu parce que les bulles financières étaient
basées sur du vent. Nous allons peut-être vers une catastrophe encore
plus grave, parce que les préoccupations et les décisions de ces
armées d'économistes sont également du vent, de la virtualité. Ils ne
voient que des valeurs boursières qui montent, là où je vois des
guerres sanglantes et des pays réduits à la misère. Le SIDA, la malaria
et d'autres maladies ont réduit certains pays d'Afrique à une situation
proche du règne de la peste et de la lèpre au Moyen Age en Europe. Les
petits missionnaires, certains intellectuels africains ou certains
vieux colons européens, savent parfaitement ce qu'il faudrait faire
pour sauver ces pays. L'Europe a résolu le problème de la peste et du
choléra par de simples mesures d'hygiène, par l'éducation des peuples.
Cela ne coûte pas cher... une moustiquaire imbibée d'insecticide ne
coûte rien aux standards européens et fait des miracles contre la
malaria. J'ai pu voir sur place au Congo comment la Coopération Belge
fonctionne. De grandes idées qui coûtent des fortunes, des
fonctionnaires qui s'offrent voyages sur voyages... pour des résultats
nuls voire des dégâts... Je n'ai rien contre l'économie, pas
plus que contre les administrations. Mais il faudra un jour que
l'espèce humaine comprenne que "le tout administratif" mène à la ruine.
Le capitalisme, ce n'est jamais qu'une méthode administrative pour
gérer
l'économie. En ce sens elle n'est pas fondamentalement différente des
économies centralisées. On prône le capitalisme et on chante sa
victoire sur le communisme. Cela n'empêche que beaucoup de
multinationales championnes du capitalisme fonctionnent en interne sur
un mode d'économie centralisée parfaitement totalitaire... Aucune de
ces méthodes ou doctrines ne sont mauvaises en elles-mêmes. Le problème
vient du fait qu'on s'abandonne à ces règles et à ces méthodes en
faisant démission de l'intelligence et de la culture. C'est le
meurtre de l'amour au profit des fondamentalismes et des intégrismes.
En Occident, combien d'enfants ont encore
droit à une heure de tendresse par jour, où on leur lira une histoire,
on fera un bricolage ou une promenade avec eux, en s'intéressant
à leurs idées, à leurs émotions... sans chercher à
utiliser les renseignements récoltés pour exercer des chantages... Même
pendant les repas la télé reste allumée. Des parents font des dizaines
de kilomètres tous les jours dans des voitures polluantes, courbent
l'échine devant des employeurs pervers, pour payer à leurs enfants des
jeux vidéo et des stages de vacances qui ne leur apportent rien. Tout
cela parce que les pubs à la télé, la voiture et les jeux vidéos
rapportent quelques euros aux maîtres de l'économie. Au 19ème siècle on
a voulu abolir l'esclavage. On a voulu que chaque travailleur ait un
salaire et la possibilité d'en profiter. Les maîtres ont alors fait du
salaire un esclavage... Ils sont malins. Ils ont fait des études...
Cela me fait penser à un documentaire télévisé. Il montrait une famille
de
paysans du Tiers Monde. Leur jardin potager produisait plein de
bons légumes. Pourtant leurs enfants souffraient de malnutrition.
Parents malveillants ? Pas du tout. Au contraire : ils revendaient tous
leurs légumes au marché pour acheter du riz industriel. Les publicités
pour ce riz les avaient convaincus qu'il était meilleur pour leurs
enfants que les légumes. Donc ils revendaient leurs légumes pour
acheter du riz... Le travail du médecin a consisté à leur expliquer que
pour les enfants un peu de riz est très bien mais il faut des légumes
en plus... En Occident on a réussi à persuader les parents qu'ils ne
contiennent rien de bon pour leurs enfants, donc qu'ils doivent
consacrer leur temps à travailler pour acheter des choses industrielles
"valables" pour leurs enfants. Les enfants eux-mêmes sont implicitement
endoctrinés à
cette idée dès leur plus jeune âge, par la télévision. A ce propos, il
semble prouvé que regarder quotidiennement la télévision fait baisser
irréversiblement les capacités de concentration d'un jeune enfant.
C'est un dégât neurologique, dont les conséquences plus tard à l'école
sont sérieuses. Je n'ai rien contre la télévision... tout est dans
l'usage qu'on en fait.
J'aime bien dénoncer les théories de complots.
Par exemple certains prétendent que les deux tours du World Trade
Center ont été dynamitées par les américains eux-mêmes, par un groupe
de puissants qui auraient organisé le détournement des
avions comme alibi. Un des arguments de cette théorie est que le feu du
kérosène des avions ne
suffisait pas pour faire fondre les structures en acier des tours. J'ai
fait valoir le fait que les avions étaient constitués de plusieurs
tonnes de
feuilles d'aluminium et qu'en brûlant cet aluminium dégage une quantité
énorme
de chaleur, à très haute température. C'est la raison pour laquelle
il est interdit d'utiliser l'aluminium en
construction navale militaire. Réciproquement, c'est la raison pour
laquelle de
la poudre d'aluminium est un des carburants utilisés dans les deux
boosters de la Navette Spatiale. Le principe d'une bonne théorie du
complot est
qu'elle doit être essentiellement invérifiable. Elle doit reposer sur
des rumeurs, des récits qui impressionnent, elle doit jouer sur les
fantasmes et les peurs des gens... Le paradoxe du présent texte est
qu'en quelque sorte je lance ma propre théorie du complot : un complot
administratif planétaire, sans comploteurs ni structure organisée... Le
complot parfait ! Impalpable, autogénéré par les humains mal
instruits... Peut-être est-ce le complot primal, celui que cherchent
toutes les petites théories du complot ? D'une certaine façon on
pourrait dire que toutes les sociétés humaines
sont centrées autour de théories du complot. La genèse du monde est un
complot entre des divinités... Telle ou telle chose naturelle
s'explique par une embrouille mythique entre tel titan et telle entité
symbolique... Plus proches d'elles, les tribus expliquent
certaines maladies par des complots entre des membres de la tribu.
C'est le vampirisme : des groupes de sorciers qui sortent la nuit pour
sucer l'énergie vitale des dormeurs... Si le "Dracula" de Braham Stoker
a autant de succès, c'est parce qu'il fait vibrer une fibre
génétiquement présente en nous. Le rôle de la raison et de sa variante
moderne nommée la modernité, est de donner des explications
rationnelles aux choses. Sa cheville ouvrière est la science, qui vous
expliquera que votre enfant est malade parce qu'il a été piqué par un
moustique porteur de la malaria et non parce qu'il a été sucé par votre
voisin dont vous soupçonnez qu'il est un sorcier vampire. Alors vous
comprenez qu'il ne sert à rien de persécuter le voisin, qu'il vaudrait
peut-être mieux lui emprunter 1 € pour acheter une moustiquaire imbibée
d'insecticide... Je crois qu'un même travail de rationalité est
nécessaire pour comprendre et exposer les mécanismes des
administrations et permettre aux peuples de ne plus en être victimes.
J'ai compris beaucoup de choses en lisant le texte d'Arthur Conan Doyle
(l'auteur de Sherlock Holmes) sur les premières heures de la
colonisation belge au Congo. Quand j'étais élève, certains professeurs
se moquaient gentiment des allemands, parce que dans les écoles
allemandes l'épisode nazie est un peu passée sous silence. De même, les
programmes scolaires japonais ne contiennent pas certains chapitres...
Et bien, les petits belges feraient bien d'apprendre ce qu'a été la
colonisation belge. Tout ce que j'en ai entendu étant enfant sont des
propos vagues et embarrassés, suivis d'exclamations d'autres personnes
comme quoi il est évident que les belges n'auraient pas pu commettre la
moindre atrocité. Tu parles... Certes, ce n'était pas un génocide. Un
génocide consiste à exterminer 100% des individus d'une ethnie ou d'un
peuple. Au Congo, la politique des belges a été de n'exterminer que 25%
des individus, pour terroriser les autres et augmenter la production de
caoutchouc et des autres denrées. 25 autres %, approximativement, sont
morts de misère.
50%... ce n'est pas un génocide. Je suis absolument d'accord de
considérer le génocide des juifs comme le plus terrible, parce qu'il a
été perpétré par un état moderne, contre une partie de sa propre
population, qui de surcroît ne présentait pas le moindre danger
militaire ou politique. De la folie pure, bénéficiant des meilleurs
équipements scientifiques et industriels. Mais pour moi les atrocités
nazies n'arrivent pas à la cheville de ce que les belges ont fait au
Congo. Les juifs et les roms, même après que les portes des Chambres se
soient refermées derrière eux, on essayait parfois encore un peu de
leur faire croire qu'ils allaient prendre une simple douche. Les
cadavres des congolais sur des piques, leurs organes déchiquetés
accrochés aux branches sur ordre des fonctionnaires belges, ne
laissaient plus aucun espoir aux survivants. Hitler, il était fou. Il
croyait bien faire. Léopold II, il a fait ça pour le pognon !
Au Congo,
sous Mobutu, les occidentaux subissaient la loi des fonctionnaires
congolais. Ils utilisaient des techniques d'extorsion d'argent absurdes
mais efficaces. Cela alimentait le racisme des occidentaux contre les
congolais. J'ai retrouvé ces techniques dans la description du
comportement des fonctionnaires coloniaux belges ! Les congolais ont
appris cela
des belges... Ce que j'en ai vécu sur place était une version
modernisée, sans doute héritée du comportement des fonctionnaires
belges à la fin de la colonisation. Sous Mobutu, les missionnaires
créaient des zones de relative quiétude autour d'eux. C'était vrai aux
débuts de la colonisation aussi... Les fonctionnaires belges faisaient
au moins semblant de ne pas tuer quand il y avait une mission dans les
environs. En échange, les missionnaires la fermaient. Etudier la
colonisation, c'est comprendre le Congo d'aujourd'hui. C'est aussi et
surtout comprendre la Belgique d'aujourd'hui. Tout y est : le court
terme, l'arbitraire, les intérêts particuliers, le
dénis de justice... Le Congo est un laboratoire des méthodes belges
poussées à leur extrême. Conan Doyle s'échine à placer la
responsabilité sur le dos de Léopold II. Il décrit comment les
fonctionnaires étaient coincés, que certains se sont suicidés... C'est
un peu facile. Comment peut-on construire une telle administration,
constituée de milliers de belges, sans que le gouvernement belge ne
soit rapidement
mis au courant des atrocités ? Comment se fait-il que la dénonciation a
dû venir de l'étranger ? Cela veut forcément dire que, primo, pas assez
de fonctionnaires coloniaux belges n'ont su ou voulu s'exprimer,
secundo et surtout que ceux qui l'ont fait n'ont pas pu se faire
entendre en Belgique. Comment peut-on espérer que des jeunes belges
d'aujourd'hui puissent comprendre ces situations et s'organiser contre
elles, si on ne leur explique même pas comment leurs propres ancêtres
sont tombés dans le panneau ? Qui a intérêt à ce qu'on ne parle pas de
la colonisation belge dans les écoles ? Les élèves belges en sont
directement victimes. Par exemple un professeur organise les choses
comme si son cours et ses devoirs étaient le seul travail qu'un élève a
à faire sur la semaine. Une masse de travail... qui n'apprend pas grand
chose aux élèves mais qui les assome. Au Congo, les fonctionnaires
belges aussi considéraient que les congolais n'avaient rien d'autre à
fiche que d'aller récolter du caoutchouc. Ces fonctionnaires auraient
été bien incapables de construire de belles choses pour les congolais.
Les enfants qui ont subi cet enseignement deviendront des
fonctionnaires qui ne sont pas d'avantage capables de construire des
choses, de comprendre des situations ou de dénoncer des crimes.