La Belgique sous le fonctionnariat






Alexandre III de Russie a été un Tzar plutôt sympathique. Une force de la nature et bon mari, dans sa jeunesse il a dénoncé la corruption de l'administration militaire russe. L'Histoire lui fait tout de même un reproche : il a nivelé l'enseignement russe. Alexandre III n'était pas appelé à régner. Il était le frère cadet du futur Nicolas I et n'a reçu que la formation de base d'un officier. Pour lui, l'intérêt des Mathématiques et de la Physique se limite au calcul des trajectoires d'obus : la Balistique. En toute bonne foi, quand il est devenu Tzar suite au décès prématuré de son frère, il a éliminé de l'enseignement russe tout ce qui est Philosophie, Littérature, Mathématiques complexes... Les conséquences ont été catastrophiques. 20 ans plus tard, lors de la guerre contre les turcs, les officiers russes étaient incapables de réagir. Ils n'avaient plus la culture nécessaire pour identifier les menaces et prendre des décisions face à l'ennemi. Un Directeur des Ressources Humaines moderne dirait qu'on n'avait pas développé leur Quotient Emotionnel. Alexandre III était un homme de bonne volonté. Il n'a rien du dictateur sanguinaire que l'on fait miroiter dans le théâtre de marionnettes de nos démocraties. Mais il en va ainsi dans les dictatures : le dictateur modèle la nation à son image.

J'entends régulièrement dire que la Belgique fonctionne comme une dictature. Il ne s'agit là que d'une impression, un malaise général. Question : qui est le dictateur ? Longtemps j'ai cru que c'étaient les partis politiques corrompus. On dit que la Belgique est une particratie. Un temps je me suis demandé si la Belgique n'était pas passée sous le contrôle des multinationales. Nous vivons sous la férule de la société de consommation et des émissions de télévision abrutissantes, à l'américaine. Certes. Je crois à présent que ce ne sont là que des épiphénomènes.

Le dictateur n'est pas forcément une personne. Dans "1984" George Orwell nous explique que Big Brother n'est qu'une image virtuelle utilisée par un système. La rébellion en Iraq nous montre que Saddam Hussein n'était que la figure de proue d'une organisation tribale . Cette organisation se bat à présent pour reconquérir un maximum de pouvoir. Qui est le dictateur de la Belgique ? C'est en faisant de l'ingénierie inverse que je crois avoir trouvé la réponse. Quel est l'esprit que l'on inculque à nos enfants dans les écoles ? Ce n'est ni l'esprit des politiciens ni l'esprit des directeurs commerciaux. Encore mois l'esprit de la police ou de l'armée. L'esprit de nos jeunes, c'est un esprit de fonctionnaire. Nous vivons sous la dictature de l'administration. Notre dictateur n'a même pas d'image virtuelle, cela ne l'empêche pas d'être partout, en nous et autour de nous.

Pour les idéalistes, la démocratie est un système qui tire le meilleur des hommes. La démocratie ouvre le savoir à tous... elle porte naturellement les éléments les plus doués de la nation au pouvoir... Il suffit de participer à la descente du cabinet d'une personnalité politique belge dans une maison close pour comprendre que l'on a davantage affaire à une mafia qu'à une élite. D'autres personnalités politiques sont des marionnettes ou des affairistes... Il y a relativement peu de vraies compétences dans le tas, ne parlons pas d'amour de la nation. En ce qui concerne le savoir ouvert à tous, discuter avec l'élève ou l'étudiant belge lambda me fait lever les yeux au plafond. Je veux bien que tout le monde n'est pas sensé devenir Albert Einstein ou Jean-Paul Sartre mais il y a des bornes aux limites. Il est *évident* que ces étudiants sont capables d'apprendre infiniment plus de choses et de bon sens.

Pour les réalistes, la démocratie est simplement un système stable. Tout le monde peut se présenter aux élections, tout le monde a accès à l'enseignement universitaire. Certes, c'est presque impossible pour certains et d'autres y sont poussés de façon naturelle. Mais comme ces chemins vers le pouvoir existent et sont en théorie accessibles à tous, plus personne ne choisit la voie des armes pour conquérir le pouvoir. Les élections ont beau être organisées de façon médiocre, elles permettent d'écarter les éléments les plus caricaturalement inacceptables. La séparation des pouvoirs assure une rivalité et un contrôle mutuel entre les institutions. Les membres de ces institutions s'entendent en sous-main mais ils sont obligés de faire au moins semblant d'être au service de la nation. Au total vous obtenez un organisation complexe et relativement pourrie mais... stable... qui ne déclenche pas d'atrocités majeures...

Les réalistes voient aussi la dictature et la démocratie comme un cycle. Quand des problèmes trop graves s'accumulent et qu'une démocratie n'arrive plus à les gérer, dans un fracas sanguinaire elle se transmute en dictature. Comme un essaim d'abeille borné et suicidaire, la dictature affronte les problèmes jusqu'à ce que la situation se stabilise. Ensuite la démocratie revient lentement. Les vizirs obtiennent davantage de pouvoir du pharaon. Au fil des décennies ou fil des siècles, le pouvoir se dilue, devient mieux partagé. Les familles puissantes acquièrent du pouvoir et trouvent des moyens "démocratiques" pour s'entendre entre elles. Ce fonctionnement démocratique sera conquit enfin par le reste de la population. C'est l'affranchissement des esclaves et le suffrage universel. Jusqu'à la prochaine catastrophe qui fera instaurer une dictature... Je suis un démocrate parce que ce texte est sensé contribuer à empêcher l'inclosion de la prochaine dictature. Mieux nous comprendront ce qu'il y a de dictatorial dans notre démocratie actuelle, plus solide et fonctionnelle elle deviendra.

Je prétend donc que l'administration est notre dictateur. Je ne crois pas pour autant que cette administration se structure autour d'une quelconque sorte de gouvernement parallèle. Il n'y a pas un "conseil de l'administration" occulte à la tête du pays. Je crois plutôt que cela fonctionne comme une fourmilière. Aucune fourmi en particulier n'est responsable de l'existence de la fourmilière. Une fourmi n'a même pas conscience du fait que la fourmilière existe, elle n'a que des réflexes et des instincts. La fourmilière est la résultante de ces instincts partagés par un millier ou un million d'individus groupés. Comme Al Qaeda, l'administration belge ne peut pas être décapitée. Si cette administration n'a pas de leaders, je pense néanmoins qu'elle a des pères fondateurs. Le système belge a été pensé par des personnes qui avaient une éducation d'administratifs. Pour ces personnes la structure administrative était la voie naturelle vers le paradis sur terre, en toute bonne foi. L'administration belge est un ennemi invisible. Les belges n'ont ni les mots ni les idées pour parler de ce parasite, ils n'en visualisent pas le fonctionnement.

Les plus grandes réalisations humains n'ont pu être menées à bien que grâce à des administrations : les grandes oeuvres humanitaires, les méga-travaux de la recherche scientifique, la destruction du fascisme pendant la Deuxième Guerre Mondiale, les pyramides d'Egypte... Le mot "administration" n'est pas péjoratif en soi. Tout comme il existe "intégrisme" pour parler d'un usage borné et pervers de la religion, il faudrait trouver un terme pour qualifier le mauvais usage de l'administration. Peut-être "diocisme" ? Du grec "διοίκηση", qui veut dire administration.

Il ne fait pas non plus considérer chaque fonctionnaire comme un ennemi. Beaucoup de fonctionnaires sont du côté de la démocratie. Un bon nombre des renseignements que j'utilise me viennent d'amis fonctionnaires. Le communisme est tombé parce que les fonctionnaires militaires russes ont refusé de tirer sur la foule.

Quand un dictateur prend le pouvoir, il met en place une administration. Souvent elle l'accompagne depuis le début de son essor et s'étend au fil de ses conquêtes. L'implantation de rouages administratifs alternatifs est un pivot du trotskisme-léninisme. En cas de coup d'état militaire on se contente le plus souvent de prendre le contrôle des administrations existantes. L'administration nouvelle ou rénovée est sensée rendre des services à la population. Son rôle premier est surtout de *contrôler* la population. Elle accompagne la dictature. Elle essayera toujours de conquérir plus de pouvoir, de se mêler plus en profondeur de la vie des gens. Quand le pays sera complètement bloqué, incapable de survivre, un bain de sang fera disparaître les blocages et mettra en place une nouvelle dictature. Le diocisme se régénère par la dictature et s'étend dans la dictature. Quels que soient les bouleversements politiques, les changements d'idéaux ou la victoire et la chute des clans, tout reste au service de la machine administrative. Une véritable démocratie est un système où l'administration est gardée sous contrôle, où elle est forcée de se rendre utile à la population sans pouvoir se servir en retour. Les américains l'ont bien compris. C'est ce qui leur a permis de devenir le pays le plus puissant de la planète. Le gouvernement américain actuel a sérieusement écorné cette primauté mais je ne crois pas que les conséquences à long terme seront catastrophique pour les Etats-Unis. Ce n'est qu'un peu de dictature pour permettre aux pétroliers américains et à quelques autres lobbies de se faire de l'argent de poche... Ils auront eu 8 ans pour engraisser un bon coup.

Quand on abat une dictature militaire, on ne dissout pas l'armée. De même je ne prétend pas qu'il faire disparaître l'administration. Il faut juste la contraindre à respecter la démocratie. Edith Cresson expliquait les problèmes qu'elle a rencontrés en étant Premier Ministre en France : "vous donnez des instructions, elles sont envoyées à qui de droit. Puis ils ne se passe rien... Vous essayez de comprendre et vous on vous apprend qu'un obscur fonctionnaire de province a décidé de ne pas faire ce que vous lui dites..."

Je sens la férule de l'administration belge à de nombreuses choses :
En Belgique il y une symbiose entre l'administration et les politiciens. L'administration tolère les exactions des politiciens tant que ceux-ci préservent les intérêts de l'administration. Beaucoup de politiciens sont issus de l'administration.

Les multinationales aiment bien l'administration belge. Son écheveau de règles et d'oppressions feutrées empêchent les belges de vivres, tout en étant une matrice dans laquelle les équipes d'avocats des multinationales trouvent leur chemin. Ces équipes participent d'ailleurs activement à définir et à "améliorer" cet écheveau.

Les USA présentent une transposition intéressante du problème. C'est la terre des extrêmes. D'un côté, on prétend diminuer au maximum le rôle des administrations d'état. Les juges et les sherifs sont élus par les populations locales. Un américain a le droit de travailler, tout ce qu'on lui demande est de déclarer ses revenus. C'est là-bas aussi que l'on trouve des mouvements armés dirigés contre l'oppression gouvernementale, avec des extrêmes comme l'attentat d'Oklahoma City contre un immeuble du FBI. D'un autre côté, je crois que sur un point la mentalité américaine a un effet contraire de ce qui se passe en Belgique. Aux Etats-Unis, les postes les plus convoités, tout en haut des administrations, sont remportés par les individus les plus incapables. Là se concentre le diocisme, avec des conséquences comme l'invasion de l'Iraq. Les explosions des navettes spatiales Challenger et Columbia sont également dues à des décisions de hauts fonctionnaires, de même que le fait que les Etats-Unis continuent à utiliser les navettes alors qu'elles ont démontré être beaucoup moins fiables que les Soyouz russes des années '70. En Belgique, je trouve que les politiciens fédéraux sont plutôt l'élite des fonctionnaires. Plusieurs d'entre eux sont capables de tenir une conversation.

La main sur le berceau est la main sur le monde. Dans l'enseignement belge la pression est massive pour fabriquer un maximum de fonctionnaires (ou leurs équivalents industriels : les travailleurs à la chaîne) :
La façon dont l'administration a dégradé l'enseignement en Belgique est assez subtile. Les budgets de l'enseignement belge sont parmi les plus élevés au monde... La majorité des enseignants sont qualifiés... Les cours contiennent des choses intéressantes... On a procédé par des angles d'attaque plus insidieux :
La main-mise de l'administration sur les esprits est presque parfaite. Des parents tremblent à l'idée que leurs enfants ne soient pas diplômés, tout comme jadis on tremblait à l'idée de ne pas être enterré en terre consacrée. L'administration est le clergé moderne. On n'imagine plus de vivre sans administration, tout comme un homme du Moyen Age n'imagine pas vivre sans Dieu et vénère les prêtres. Les règles administratives sont sacrées. Le dogme est clair sur un point : l'administration veut le bien de tous. L'inquisiteur qui vous torture est un saint homme. Il vous permet de racheter votre voie vers le paradis... Vous prétendez que l'administration vous détruit de façon gratuite et totalement inutile ? Mais vous êtes fou ! Vous critiquez l'administration ? Mais sans l'administration ce serait le chaos Monsieur ! Tenez-vous à ce que les femmes courent nues en hurlant dans les rues, que les enfants trucident leurs parents à coups de hachoirs ?! Allons, asseyez-vous, vous allez vous sentir mieux, vous verrez...

Les historiens proposent de nombres hypothèses pour expliquer la chute de l'Empire Romain d'Occident : le plomb dans les cuves de cuisson du vin, la sédentarisation des corps d'armée, la fin des mines d'or d'Espagne, le blocage par les frontière naturelles... Une de ces hypothèses est un encrassement des rouages du pays par une administration de plus en plus envahissante. Est-on bien sûr que l'administration romaine est morte avec le corps qui la portait ? Ne se serait-elle pas plutôt transformée en administration religieuse ? 476 après Jésus-Christ est la fin de l'empire romain de bon-papa. Mais l'administration, elle, a continué de vivre... sous une forme plus "spirituelle". Le Moyen Age nous semble destructuré. Sur le plan religieux il est extrêmement structuré.

Que faire pour lutter contre la bête ?
La définition du bourgeois est qu'en toutes circonstances il trouve les leviers pour assurer son confort. Le bourgeois est dorloté en Belgique. L'administration lui offre un tissu informe dans lequel il gratouille. Il trouve des moyens alambiqués pour payer moins d'impôts, des petites malhonnêtetés que l'administration laisse faire... Laisser faire de petits délits est une pratique commune dans les dictatures. Une personne qui "profite" préfère qu'on ne la remarque pas. Elle reste bien tranquille dans son coin. Si elle dérange ou si l'administration veut obtenir quelque chose d'elle, il suffit de faire allusion à une de ses "petites manies"... Un bon bourgeois flaire les changements. Certaines malhonnêtetés finissent par être punies, il faut donc les arrêter à temps. Avoir au moins un membre de la famille dans l'administration est une valeur dans la bourgeoisie belge. Ou avoir un travail à mi-temps dans l'administration. Un pied dans l'administration, c'est l'avenir assuré. Petit fonctionnaire, c'est déjà bien. Si vous avez un grade élevé dans le clergé, c'est encore mieux...

Un voleur est une personne qui prend quelque chose qui ne lui appartient pas. Un escroc est un voleur qui met en place une combine élaborée pour voler des biens. Par exemple une équipe d'escrocs peut faire construire un immeuble inutile sur fonds publics. Ils ne réussiront à empalper que 1% voire moins, de l'argent qui est entré en mouvement mais cela représente déjà une belle somme. Les 99 autres % sont... simplement jetés puisque l'immeuble ne sert à rien. On ne fait pas d'omelette sans casser un navire transportant des oeufs... L'administration belge joue à un jeu parallèle : en faisant respecter les règlements à la lettre, un fonctionnaire peut gagner des points, briguer une promotion. Peu importe que ce faisant il ait détruit des familles, des entreprises ou poussé des personnes au suicide... Certains fonctionnaires ont l'humanité de reconnaître que le règlement qu'ils appliquent est inadapté... mais ils l'appliquent. Les grands fonctionnaires se payent des travaux publics qui leurs plaisent, octroient des pensions d'artistes ou d'invalides à leurs protégés... L'administration étant partout en Belgique, cela coûte des fortunes. Elle serait un paradis si elle n'était pas mangée par l'administration. Parfois le fonctionnement des fonctionnaires est vraiment difficile à capter. Un ami journaliste m'explique que dans l'administration où il travaille, le service des achats achète toujours le même modèle de micro. Ils coûtent une fortune, sont de taille énorme et sont tellement sensibles qu'il faut placer un écran entre l'orateur et le micro. Une vraie punition. Les journalistes et les ingénieurs du son pleurent depuis des dizaines d'années pour avoir des micros plus petits, dix fois moins chers, plus pratiques et tout aussi bons. Sans succès...

Avez-vous remarqué le sourire de certains fonctionnaires quand ils sentent le pouvoir qu'ils exercent sur vous ? C'est une drogue. L'administration offre du pouvoir à des personnes sans qu'elles fournissent le moindre effort, sans qu'elles aient la moralité nécessaire. Je me souviens d'un fonctionnaire. Il était comme fou. Il appliquait tous les règlements, même les plus inutiles. On sentait sa main jouissive serrée sur sa petite part de pouvoir. Je me suis retrouvé avec les menaces les plus horribles, sans raisons objectives. Par chance un deuxième fonctionnaire était de mon côté et a signalé des erreurs dans les décisions. J'ai eu le premier au téléphone peu après, il était comme un chien en rage retenu par une chaîne. Vous pouvez vous approcher de lui, cela fait beaucoup de bruit, c'est impressionnant mais c'est sans danger... Il était proprement injurieux contre le deuxième fonctionnaire, qui n'avait pourtant fait qu'imposer la loi, et encore, seulement sur les points les plus grotesques. J'ai eu de la chance cette foi-là. Mais comment font les gens isolés ? Combien de SDF ne sont pas à la rue à cause de tels fonctionnaires ?

Un "fonctionnaire qui dit non" peut vous faire perdre de l'argent voire votre travail, votre logement, votre famille, votre santé ou votre vie. Trouver un fonctionnaire compétent est généralement la meilleure parade. Un ami est un jour sorti furieux d'un bureau des impôts parce qu'on venait de lui réclamer un montant supplémentaire, qu'il estimait indû. Il a attiré l'attention d'un autre fonctionnaire... qui a appliqué la loi et... lui a fait gagner de l'argent. Mais méfiez-vous également des "fonctionnaires qui disent oui". Ils sont aussi incompétents que ceux qui disent non et aussi dangereux. Un ami a un jour téléphoné à l'administration des impôts pour demander quel calcul il devait appliquer. Le fonctionnaire lui a répondu que c'était le calcul le plus avantageux. Cet ami est haut fonctionnaire lui-même et la question était simple et précise. Il est peu probable qu'il ait mal compris la réponse du fonctionnaire au téléphone. Quelques années plus tard les impôts lui ont signalé qu'il aurait dû appliquer l'autre calcul et qu'il devait maintenant payer la somme due. Il a dû se serrer la ceinture pendant quelques années et n'a pas pu offrir à ses enfants ce qu'il voulait... Il a commis une erreur : il aurait du demander une trace écrite. Il aurait dû demander un document officiel confirmant le calcul qu'il devait appliquer. S'il avait pu présenter ce papier lors du contrôle, il aurait eu moins de problèmes. Méfiez-vous également des politiciens qui profitent de ces situations. Certains politiciens se font connaître de leurs électeurs en jouant au fonctionnaire compétent. C'est tout à leur honneur. Ils prouvent par là leur aptitude à faire survivre la tribu dans la jungle, je veux dire dans l'administration. Le problème est que certains d'entre eux vous font croire qu'ils ont fait jouer des relations pour vous, voire qu'ils ont fait contourner la loi en votre faveur. Evitez de tomber dans ce piège...

En Union Soviétique, les gradés de l'armée étaient flanqués d'un commissaire politique. Le rôle du commissaire politique était d'assurer "la conformité des idées militaires aux idéaux soviétiques". Traduction : assurer les intérêts de l'administration communiste. Le pouvoir des commissaires politiques est une des raisons de la débâcle russe quand les nazis ont attaqué en 1941. Un simple commissaire politique, dont les mérites se limitent à avoir ingurgité avec zèle l'endoctrinement communiste, pouvait empêcher un général d'armée de faire son métier... Staline l'a admis et a diminué leur pouvoir... jusqu'à la fin de la guerre. En Belgique aussi, un simple fonctionnaire peut par exemple balayer d'un revers de la manche des décisions de votre médecin. Si vous êtes capable de vous défendre et si la situation est ostensiblement burlesque, votre médecin l'emportera. Mais dans certains cas l'administration dispose de médecins félons qu'elle fait jouer contre votre médecin. Par exemple un de mes amis est gravement handicapé. Il ne lui reste qu'un petit bout de poumon. Il ne peut pas marcher plus de cent mètres et le moindre effort physique le met sur les genoux, haletant horriblement. Il n'a jamais pu se faire reconnaître comme handicapé. Il vit à la limite de la misère. Quand j'étais à l'école on m'a endoctriné à l'idée que la Belgique est un pays merveilleux où les pauvres et les handicapés sont aidés avec amour et compassion. On a obtenu ma coopération et ma bonne volonté en me faisant miroiter cela. On m'a fait croire que je faisais partie d'une grande famille. La Belgique est certainement un pays plus social que d'autres. Mais ce qu'on m'a dit à l'école est trop souvent faux. Pourquoi les fonctionnaires refusent-ils un statut ou une aide à des personnes qui en ont manifestement besoin ? Il y a des quotas, bien sûr. Mais cela n'explique pas tout. En théorie ces quotas sont légitimes, ils sont représentatifs du nombre de handicapés dans une région. Je me demande si l'explication n'est pas que ces statuts "privilégiés" sont d'abord distribués aux protégés de l'administration. Si vous êtes dans le système, un souffle un peu court et vous pouvez bénéficier d'une pension d'handicapé. On vous le proposera même avant que vous n'y ayez pensé. J'ai assisté à de telles conversations dans des bureaux de l'administration. Si les places sont distribuées aux protégés... il n'en reste plus pour les autres. Il en va probablement de même pour le statut d'artiste et d'autres "tiroirs" du même type. Mon impression est que la Belgique fait une erreur en créant tous ces status : chômeur, artiste, invalide temporaire sur la mutuelle, invalide définitif sur la prévoyance sociale, nécessiteux au CPAS, pensionné, étudiant... Toutes ces cases sont autant d'engrenages que l'administration utilise à son profit. On parle régulièrement de l'allocation universelle. Cela consisterait à donner à chaque personne une petite somme fixe tous les mois (par exemple 500 €) et à faire payer un pourcentage fixe d'impôts sur les revenus (que l'on gagne 1.000 ou 100.000 € par an, on payerait toujours le même % d'impôts). Ce serait une simplification massive. En théorie cela ne changerait rien aux revenus de chacun et au montant des impôts. Le reproche que l'on fait à l'allocation universelle est que les gens ne feraient plus rien, ils se contenteraient de toucher leur allocation. Je répond à cela que presque personne ne peut vivre de façon décente avec 500 € par mois. Je répond aussi que si l'on veut un pays "nerveux", où le travail est fait d'ambitions et de challenges, on peut permettre aux entreprises d'engager et de virer du personnel avec plus de liberté, à l'américaine. On peut parfaitement créer un système à la fois plus humain (basé sur l'allocation universelle) tout en devenant plus compétitifs et ambitieux au travail. L'administration fera tout pour empêcher cette humanisation, parce qu'elle y perdra du pouvoir. Un exemple type : certaines personnes utiliseront leur "500 €" mensuels pour aller s'installer dans des pays où le coût de la vie est plus bas. Cela signifie qu'au lieu de persécuter la population dans un rideau de fer drapé de velours, l'administration belge devrait faire preuve d'imagination et de compréhension pour donner de bonnes raisons aux belges de vivre et de travailler en Belgique... tout ce qu'elle ne sait pas faire. (Cela peut aussi se régler avec des critères administratifs mais passons...) Une question : l'administration nous explique qu'il faut être dur avec les faibles et les démunis parce que sinon ils deviendraient fainéants. Pourquoi alors est-elle aussi laxiste avec les fonctionnaires ? En Belgique, une fois que vous avez fait allégeance à l'administration et que vous êtes nommé, vous pouvez vous la couler douce. Des amis fonctionnaires m'expliquent leur mode de vie au bureau... c'est décadent. Ils se sentent humiliés par leur inutilité.

Les congolais ont été broyés par le fonctionnariat belge. Voyez ce que leur pays est devenu... Les humiliations dont parle le discours de Patrice Lumumba sont celles que subissent les belges, de façon plus feutrée. Au Congo l'administration belge a été toute puissante, elle n'avait plus aucune retenue. Si vous écoutez les fonctionnaire coloniaux belges... ha mais les petits congolais étaient choyés savez-vous... quelle chance ils avaient ! Les ressources minières et agricoles produites par l'esclavage colonial ont été brûlées dans deux guerres mondiales. Le système administratif mondial vise à présent plus haut : la destruction de l'humanité par effet de serre. Youpi ! Ou plutôt : l'administration va utiliser cette menace pour augmenter son pouvoir. Sommes-nous obligés de nous laisser faire ?

J'ai un jour eu la possibilité de devenir enseignant. C'est très curieux. La première chose que j'ai lue dans les papiers que l'on m'a remis sonne comme "l'enseignement belge vise à développer et épanouir chaque personne au mieux de ses possibilités". Après avoir lu le reste des documents et m'être un peu renseigné, j'ai compris que ce développement et cet épanouissement des étudiants était la seule chose qu'il m'était absolument interdit de faire. J'avais le droit de rédiger un bon cours. Je crois que beaucoup d'enseignants belges rédigent de bons cours, en fait. Mais hors de question que je m'en serve pour développer l'esprit des étudiants. Des amis m'ont demandé plus tard si je n'aurais pas tout de même pu développer l'esprit de certains étudiants, par la bande... Un ami a essayé. Il m'a raconté que ce sont les étudiants eux-mêmes qui l'empêchent. Ils sont déjà formatés par le système. Dans une classe il y a un ou deux étudiants qui ont l'esprit un peu libre, les autres sont l'oeil de Moscou et exigent des procédures et des résultats garantis... Je crois qu'à la maison leurs parents exigent des résultats scolaires mais ne passent pas de temps avec leurs enfants, ne jouent pas avec eux avec les matières scolaires. Le savoir ne fait pas partie de leurs pensées. Ce n'est pas une valeur. Seul compte le diplôme : le sésame pour les saintes administrations. A une autre occasion j'ai donné des cours de rattrapage scolaire. Quand des enfants ont des problèmes avec une matière, mon réflexe est de leur expliquer la matière. Je leur explique son histoire, à quoi elle sert, ce que moi-même je fais avec... Certains enfants sont passionnés. La matière leur apparaît comme vivante, presque naturelle... Ces enfants-là développent un rapport personnel avec les sciences, la littérature... D'autres enfants par contre me trouvent extrêmement irritant. Leur seul objectif est de réussir l'examen scolaire. Ils veulent les procédures et les marches à suivre. Ils se fichent des sciences et de la littérature, ils n'ont même pas réellement conscience que cela existe. Ils sont immergés dans un monde de règles et de procédures. Ils appliquent la même mécanique à toutes les matières. Je leur fait perdre leur temps... J'ai cru remarquer que le premier type d'enfants a des parents chaleureux. Ils reçoivent de gros câlins. Leurs parents prennent du temps pour les comprendre et organiser ce qui est bon pour eux. On dirait que ces enfants déploient le même amour à comprendre les sciences et la littérature. Ils sont patients avec les problèmes qui leurs résistent, ils sont imaginatifs pour trouver des solutions, ils collectionnent les nouvelles idées comme autant d'objets précieux... Le deuxième type d'enfants semble ne recevoir aucune chaleur humaine. Leurs émotions sont réduites à un petit tas de poussière douloureuse. Ils doivent réussir leurs examens, point à la ligne. Sinon le monstre sec les déchiquettera. Ils me font un peu penser à ces orphelins que l'on parque dans certaines dictature et que l'on élève à la dure pour en faire des policiers ou des membres des services secrets.

A propos d'épanouissement des étudiants, d'anecdotes de l'ère soviétique et de fonctionnaires qui disent oui, en voici une belle. En Union Soviétique la Géologie a été interdite. Pourquoi ? Parce que la Géologie enseigne que lorsque qu'un terrain est comprimé latéralement il se plisse, ensuite ces plis peuvent se coucher sur le flanc. Ce faisaint, certaines couches de terrain se retrouvent sous d'autres couches. Les fonctionnaires communistes ont bondit en lisant cela. D'après la doctrine soviétique, tous les individus sont égaux. Un groupe d'individus ne peut pas dominer un autre groupe d'individu. Si la Géologie enseigne que des couches de terrain recouvrent d'autres couches de terrain, donc les dominent, la Géologie est contraire à la doctrine soviétique donc elle est fausse. Cet amalgamme entre une doctrine politique et une science exacte révèle le niveau de déculturation et de superstition abrutie des fonctionnaires soviétiques. Un pareil extrême est en principe peu probable en Belgique. Ce qui est arrivé à une amie n'en est pourtant pas si loin. Après avoir zoné pendant quelques années, la maturité venant elle décide de faire des études universitaires. Elle est au chômage et demande à son syndicat si cela ne pose pas de problèmes. Le fonctionnaire du syndicat lui donne le feu vert. Elle réussit ses examens, avec quelques heurts, mais elle réussit. Ce qui lui arrive là est ce que chaque parent belge souhaite pour ses enfants. Elle a pris sa vie en main... A la fin de la deuxième année l'administration la rattrape par le collet : "ah mais mademoiselle, vous n'avez pas le droit de faire des études en cours du jour en étant au chômage. Des cours du soir vous pouvez. Mais pas des cours du jour." Pour des cours du jour, elle aurait dû passer du chômage au CPAS... L'administration lui réclame maintenant le remboursement de deux années de chômage. C'est son cadeau de bienvenue dans la vie active... Admettons que le chômage demande au CPAS de régulariser la situation en payant le montant de ces deux années... que ces deux administrations s'arrangent entre elles et qu'on laisse mon amie continuer son ascension... Tututut... les règles administratives priment sur la vie. Il n'y a pas la moindre intention de tricher de la part de cette amie, ni même de laisser aller les choses. Elle s'est renseignée avant de commencer... Gnac, l'administration la tient maintenant à la gorge, avec les ongles bien plantés. Elle fait ses examens de deuxième année en sachant qu'un huissier peut venir prendre le moindre luxe qu'elle aurait chez elle. On lui explique que si elle trouve du travail après ses études, ce sera pour rembourser la dette que l'administration vient de lui inventer. Welcome ! A côté de ça, elle voit des gosses de riches qui font leurs études en grand confort, payées par l'état, et même certains d'entre eux qui recommencent sans cesse de nouvelles études parce que le monde du travail les effraye et qu'ils préfèrent le ronronnement académique, toujours aux frais souriants de l'état... Passer au CPAS ne faisait aucune différence pour mon amie. Elle y aurait même un peu gagné. En restant au chômage elle a fait faire une petite économie au système. L'administration trouve qu'il n'y a pas eu le bon échange de formulaires au bon moment. Alors... "on est désolés mademoiselle. On sait bien que vous êtes jeune et jolie mais on doit vous tirer une balle dans la rotule du genoux... c'est le réglement. Vous ne saviez pas qu'il fallait utiliser le formulaire 12A qui est vert et non le 12B qui est bleu ? On vous avait donné le 12B ? Je comprends... Oui oui, je sais, il est imprimé la même chose sur les deux formulaires. Mais nul n'est sensé ignorer la loi mademoiselle. Bon les gars, vous la tenez comme il faut. Et placez bien la planche sous le genoux pour amortir la balle."

Travailler en Belgique est difficile. L'administration vous empêche de travailler. Elle vous chantera le contraire sur toutes les mélodies possibles mais dans les faits c'est ainsi. Par exemple pendant longtemps j'ai fait des reproches polis à des personnes qui travaillent au noir. J'ai fini par me rendre compte qu'elles n'avaient pas le choix. Une fois qu'elles m'avaient exposé leur situation, je ne voyais pas ce que j'aurais pu faire moi-même pour la légaliser... Je crois que le fondement de ce problème est relativement simple. L'administration belge n'accepte une activité quelconque que quand elle lui rapporte quelque chose. Cela peut être de l'argent sous forme d'impôts, du prestige, de nouveaux domaine où exercer son contrôle... tout ce que vous voulez. Toutes les formes de pouvoir primaire sont prisées. Si une activité est utile au pays mais ne rapporte pas de façon immédiate quelque chose à l'administration, elle sera écrasée. Les mères au foyer son tolérées. Les travailleurs bénévoles sont sévèrement régimentés. Même une activité nécessaire à votre survie immédiate et qui ne nuit à personne, peut être condamnée par l'administration. Le cauchemar de l'administration est de perdre sa main-mise. Peu lui chaud que le pays soit malade et peu rentable, peu lui importe la détresse des individus, tant qu'elle garde le contrôle.

Je décris l'administration comme une entité qui survit à tout et qui peut prendre des formes multiples. Même quand deux pays sont en guerre, les actes de l'administration de l'un sont favorables à l'administration de l'autre. L'administration est le seul vainqueur d'une guerre. Si nous étions en des temps religieux, je supposerais sans doute que l'administration est un grand démon tapi quelque part. Je lui donnerais un nom, j'intéresserais mes lecteurs en racontant les aventures de ce démon... Il faudrait que je vérifie si un des démons du judaïsme ne correspond pas à la description... La pensée religieuse est utile dans la mesure où elle parle parfois mieux à nos émotions. Elle convient aux enfants. Le propre de la pensée moderne (que l'on ai la foi ou non) est de refuser cela. Le diocisme n'est pas une entité pensante. Elle n'est qu'une erreur que tendent à faire les groupes humains. Cette erreur est gérable. La seule condition pour qu'elle puisse être gérée est de voir et de comprendre comment elle fonctionne. L'administration n'est pas Dieu. Admettons poétiquement que l'homme doit être au service de Dieu. Mais l'administration doit être au service de l'homme...

L'administration a ses points faibles :
L'administration belge est antipatriotique. Elle vous dégoûte d'être belge. Combien de mes connaissances ne me racontent pas ce que leur ont fait des fonctionnaires pour justifier leurs petites malhonnêtetés. Ces amis trichent un peu partout et ne vont plus voter. C'est une erreur fondamentale. Ils sont manipulés par l'administration (qui a rendu le vote obligatoire, notez...). L'administration ne sert qu'elle-même. Elle ne sert pas la nation belge. Si vous n'aimez pas les couleurs du drapeau belge ou si vous trouvez l'hymne national ringard, c'est votre droit. N'allez pas à l'encontre de vos sentiments. Mais le territoire belge est la zone géographique sur laquelle votre pouvoir de citoyen s'exerce. Assumez ce pouvoir.

En Belgique les petits partis sont privés de dotation et n'ont virtuellement pas accès aux média. Un membre d'un petit parti politique belge m'a expliqué que cela va plus loin. Son parti a suivi la procédure légale qui consiste à recueillir des listes de signatures de citoyens pour pouvoir se présenter aux élections. On leur a tout fait pour invalider ces listes : cachets administratifs aux mauvais endroits, policiers qui vont voir les gens pour leur faire retirer leurs signatures, retards... Je précise qu'il ne s'agissait pas d'un parti d'extrême droite, ni d'extrême gauche. Ce n'était même pas un de ces petits partis aux idées loufoques comme il en existe. C'était un parti plutôt de droite, avec des idées sensées, parfois trop optimistes... Je me suis demandé à quel parti politique appartenaient les fonctionnaires qui ont bloqué les listes. La réponse m'apparaît maintenant, toute simple. Ils appartiennent au parti unique : l'administration.

J'ai essayé de comprendre. Comment est-il possible qu'autant de mes amis aient eu des problèmes aussi graves avec l'administration, qu'on leur ait fait autant d'ennuis et qu'on leur ai inventé des amendes aussi exorbitantes, sans qu'ils n'aient rien fait de mal ou des broutilles ? Une expression a fini par décanter dans mon esprit : "nettoyage ethnique". Ce n'est pas l'expression rigoureusement la mieux appropriée à la situation mais à y repenser je crois qu'elle résume l'essentiel du phénomène. Nous sommes dans une situation d'apartheid mais sans races, sans ethnies et sans drapeaux. Il y a tout au plus quelques  vagues idéologues, saupoudrés sur le territoire. L'administration est une masse informe qui réclame sans cesse plus de "Lebensraum". Vous êtes avec l'administration ou vous êtes contre l'administration. Si vous n'êtes pas avec l'administration, vous êtes fautif et redevable par défaut. Cela me fait rigoler, cette propagande perpétuelle contre l'extrême droite. D'une certaines façon les gens d'extrême droite sont les juifs de notre administration. Ils lui servent à occuper la foule. Cette union sacrée des quatre partis "démocratiques" à Anvers... c'est la situation tacite de toute la Belgique. A priori je ne vois pas d'inconvénient à ce que les petites frappes de l'extrême droite se voient utiliser leurs propres méthodes contre elles-mêmes. En deuxième analyse je ne suis plus si sûr que ce soit vraiment une bonne idée. Nous sommes en train de nous faire avoir. Le remède à cette ségrégation est d'abord de la dénoncer et de l'expliquer.

J'ai eu la visite d'un ami menacé d'être expulsé de son logement. Il m'a parlé d'un ami médecin qui a eu un bel appartement dès le début de ses études universitaires, au tarif des logements sociaux, et qui a pu le conserver après ses études, toujours au même tarif social alors qu'il gagne bien sa vie. Le médecin explique volontiers ce petit miracle aux personnes qui visitent son appartement : il est proche des éminences du parti socialiste. J'ai moi-même visité l'appartement d'une modeste infirmière. On aurait dit la suite d'un ministre. Grandes pièces, salon en cuir noir, terrasse champêtre avec vue... Le petit ami de l'infirmière m'a expliqué, très fier, qu'elle était proche d'une personnalité socialiste de la région. Toute la tour où se trouve cet appartement porte officieusement le nom de ce politicien. Elle été construite avec des fonds publics mais c'est lui qui décide de qui a le droit d'y habiter. Etre un politicien en vue semble consister à se forger un petit empire, par exemple constitué de tels immeubles. C'est un art. Il faut savoir être dur avec certaines personnes et caressant avec d'autres, rendre service, créer des dettes, savoir trahir ses amis au bon moment... Une fois que vous êtes installé, on vient spontanément vous demander de "parrainer" la construction de tels immeubles. Ces politiciens ont tout intérêt à ce que la région aille le plus mal possible, qu'il y ait un maximum de personnes dans une situation plus ou moins précaire. Leur travail consiste à gérer des fonds publics, des dons ou des aides internationales, en redistribuant un maximum entre leurs protégés. Il ne faut *surtout pas* que ces fonds servent à améliorer l'enseignement ou à créer de nouvelles industries. L'ami qui est venu me voir, lui, risque d'être expulsé de son logement parce que des fonctionnaires ont débarqué pour vérifier si l'immeuble était conforme aux normes. Il y a toujours des choses à améliorer dans un vieil immeuble... mais objectivement une bonne partie de ce que les fonctionnaires ont imposé est inutile et surtout hors de prix. Je comprend le propriétaire qui capitule. Tout a été fait pour le dégoûter. Il s'est fait traîner dans la boue verbalement, on lui impose des travaux sans lui donner de normes puis on l'informe qu'il aurait dû savoir qu'il n'a pas fait les choses comme il faut, chaque fois qu'il termine un travail on l'informe d'un nouvel aménagement à faire, plus cher et plus dur encore... Ces fonctionnaires semblent vivre dans la superstition que les propriétaires sont des salauds richissimes et qu'il faut les pressurer. Un de leurs trucs consiste à imposer quelque chose qui semble simple et de bon sens. Vous vous rendez compte après que cela déclenche un processus, qu'il y a des démultiplications et des trappes en accordéon... La chose toute simple devient un cauchemar. On dit dans les média qu'il manque de logements sociaux. Ce vieil immeuble contenait quelques logements bon-marchés où on vivait bien. Les fonctionnaires sont passés et ont tout explosé. Je suppose que l'immeuble sera démoli. A la place on construira un immeuble pour riches ou pour protégés du parti socialiste... On me parle assez souvent de propriétaires qui laissent tomber, qui n'entretiennent plus leurs immeubles... Beaucoup de fonctionnaires savent parfaitement comment fonctionne le parti socialiste. Ils en rient ou ils s'en vantent... Parfois ils s'en plaignent mais ne voient pas de solution. Il y a une relation privilégiée entre l'administration et ce parti. Récemment quelques coups de pic à glace ont été donnés dans l'édifice... Des élus du MR ont dénoncé les mécanismes, des fonctionnaires ont donné des détails à la presse... Entre ce qui a été dit et ce que j'en connais, on n'a encore exposé que le sommet de l'iceberg.

Quand j'étais à l'école on m'expliquait qu'il y a deux sortes d'études supérieures. Les études "courtes" sont pour les personnes qui veulent juste apprendre les bases, pour être capable d'utiliser les machines. On devient infirmier, laborantin... Les études "longues" sont pour les personnes qui veulent comprendre les choses, être capables d'inventer de nouvelles machines et assumer des responsabilités. On devient médecin, ingénieur... J'ai été étonné de constater que dans la réalité la situation était souvent inverse. Beaucoup de personnes faisant des études "courtes" ont un esprit ouvert et comprennent le fonctionnement des choses. A l'inverse la majorité des universitaires sont bornés, carrément dangereux. Une explication de la chose est que comme les études universitaires sont le sésame pour le pouvoir, les familles y forcent leurs enfants, ce qui aboutit à un effondrement du niveau général. D'autant que les pires des étudiants, travailleurs mais incapable de trouver un emploi dans le privé, restent à l'université pour y faire carrière. Un ami a attiré mon attention sur une autre explication : le niveau intellectuel des études dans les institutions économiques et commerciales est souvent très supérieur au reste des études universitaires. C'est logique : le vrai pouvoir est dans l'économie. Des études supérieures d'Economie, qui incluent du Droit et de la Gestion, sont une bonne introduction aux postes élevés dans les administrations publiques et privées. C'est donc là que les familles les plus puissantes vont caser leurs enfants. Les études de médecin ou d'ingénieur sont considérées comme des fossiles du passé. Ce sont les enfants des familles "hors du coup" qui s'y concentrent. On ne cherchera pas à développer leur intellectualité, pas plus qu'on ne cherchait à développer celle des contremaîtres au début du XXème siècle. Les vraies études, c'est en économie. A mon sens il y a là un danger fondamental. Ces gens qui vivent dans la bulle économique et qui ont tous les pouvoirs, sont détachés des réalités matérielles et humaines. L'économie constitue pour eux un gigantesque jeu vidéo. Le Crash de Wall Street a eu lieu parce que les bulles financières étaient basées sur du vent. Nous allons peut-être vers une catastrophe encore plus grave, parce que les préoccupations et les décisions de ces armées d'économistes sont également du vent, de la virtualité. Ils ne voient que des valeurs boursières qui montent, là où je vois des guerres sanglantes et des pays réduits à la misère. Le SIDA, la malaria et d'autres maladies ont réduit certains pays d'Afrique à une situation proche du règne de la peste et de la lèpre au Moyen Age en Europe. Les petits missionnaires, certains intellectuels africains ou certains vieux colons européens, savent parfaitement ce qu'il faudrait faire pour sauver ces pays. L'Europe a résolu le problème de la peste et du choléra par de simples mesures d'hygiène, par l'éducation des peuples. Cela ne coûte pas cher... une moustiquaire imbibée d'insecticide ne coûte rien aux standards européens et fait des miracles contre la malaria. J'ai pu voir sur place au Congo comment la Coopération Belge fonctionne. De grandes idées qui coûtent des fortunes, des fonctionnaires qui s'offrent voyages sur voyages... pour des résultats nuls voire des dégâts... Je n'ai rien contre l'économie, pas plus que contre les administrations. Mais il faudra un jour que l'espèce humaine comprenne que "le tout administratif" mène à la ruine. Le capitalisme, ce n'est jamais qu'une méthode administrative pour gérer l'économie. En ce sens elle n'est pas fondamentalement différente des économies centralisées. On prône le capitalisme et on chante sa victoire sur le communisme. Cela n'empêche que beaucoup de multinationales championnes du capitalisme fonctionnent en interne sur un mode d'économie centralisée parfaitement totalitaire... Aucune de ces méthodes ou doctrines ne sont mauvaises en elles-mêmes. Le problème vient du fait qu'on s'abandonne à ces règles et à ces méthodes en faisant démission de l'intelligence et de la culture. C'est le meurtre de l'amour au profit des fondamentalismes et des intégrismes. En Occident, combien d'enfants ont encore droit à une heure de tendresse par jour, où on leur lira une histoire, on fera un bricolage ou une promenade avec eux, en s'intéressant à leurs idées, à leurs émotions... sans chercher à utiliser les renseignements récoltés pour exercer des chantages... Même pendant les repas la télé reste allumée. Des parents font des dizaines de kilomètres tous les jours dans des voitures polluantes, courbent l'échine devant des employeurs pervers, pour payer à leurs enfants des jeux vidéo et des stages de vacances qui ne leur apportent rien. Tout cela parce que les pubs à la télé, la voiture et les jeux vidéos rapportent quelques euros aux maîtres de l'économie. Au 19ème siècle on a voulu abolir l'esclavage. On a voulu que chaque travailleur ait un salaire et la possibilité d'en profiter. Les maîtres ont alors fait du salaire un esclavage... Ils sont malins. Ils ont fait des études... Cela me fait penser à un documentaire télévisé. Il montrait une famille de paysans du Tiers Monde. Leur jardin potager produisait plein de bons légumes. Pourtant leurs enfants souffraient de malnutrition. Parents malveillants ? Pas du tout. Au contraire : ils revendaient tous leurs légumes au marché pour acheter du riz industriel. Les publicités pour ce riz les avaient convaincus qu'il était meilleur pour leurs enfants que les légumes. Donc ils revendaient leurs légumes pour acheter du riz... Le travail du médecin a consisté à leur expliquer que pour les enfants un peu de riz est très bien mais il faut des légumes en plus... En Occident on a réussi à persuader les parents qu'ils ne contiennent rien de bon pour leurs enfants, donc qu'ils doivent consacrer leur temps à travailler pour acheter des choses industrielles "valables" pour leurs enfants. Les enfants eux-mêmes sont implicitement endoctrinés à cette idée dès leur plus jeune âge, par la télévision. A ce propos, il semble prouvé que regarder quotidiennement la télévision fait baisser irréversiblement les capacités de concentration d'un jeune enfant. C'est un dégât neurologique, dont les conséquences plus tard à l'école sont sérieuses. Je n'ai rien contre la télévision... tout est dans l'usage qu'on en fait.

J'aime bien dénoncer les théories de complots. Par exemple certains prétendent que les deux tours du World Trade Center ont été dynamitées par les américains eux-mêmes, par un groupe de puissants qui auraient organisé le détournement des avions comme alibi. Un des arguments de cette théorie est que le feu du kérosène des avions ne suffisait pas pour faire fondre les structures en acier des tours. J'ai fait valoir le fait que les avions étaient constitués de plusieurs tonnes de feuilles d'aluminium et qu'en brûlant cet aluminium dégage une quantité énorme de chaleur, à très haute température. C'est la raison pour laquelle il est interdit d'utiliser l'aluminium en construction navale militaire. Réciproquement, c'est la raison pour laquelle de la poudre d'aluminium est un des carburants utilisés dans les deux boosters de la Navette Spatiale. Le principe d'une bonne théorie du complot est qu'elle doit être essentiellement invérifiable. Elle doit reposer sur des rumeurs, des récits qui impressionnent, elle doit jouer sur les fantasmes et les peurs des gens... Le paradoxe du présent texte est qu'en quelque sorte je lance ma propre théorie du complot : un complot administratif planétaire, sans comploteurs ni structure organisée... Le complot parfait ! Impalpable, autogénéré par les humains mal instruits... Peut-être est-ce le complot primal, celui que cherchent toutes les petites théories du complot ? D'une certaine façon on pourrait dire que toutes les sociétés humaines sont centrées autour de théories du complot. La genèse du monde est un complot entre des divinités... Telle ou telle chose naturelle s'explique par une embrouille mythique entre tel titan et telle entité symbolique... Plus proches d'elles, les tribus expliquent certaines maladies par des complots entre des membres de la tribu. C'est le vampirisme : des groupes de sorciers qui sortent la nuit pour sucer l'énergie vitale des dormeurs... Si le "Dracula" de Braham Stoker a autant de succès, c'est parce qu'il fait vibrer une fibre génétiquement présente en nous. Le rôle de la raison et de sa variante moderne nommée la modernité, est de donner des explications rationnelles aux choses. Sa cheville ouvrière est la science, qui vous expliquera que votre enfant est malade parce qu'il a été piqué par un moustique porteur de la malaria et non parce qu'il a été sucé par votre voisin dont vous soupçonnez qu'il est un sorcier vampire. Alors vous comprenez qu'il ne sert à rien de persécuter le voisin, qu'il vaudrait peut-être mieux lui emprunter 1 € pour acheter une moustiquaire imbibée d'insecticide... Je crois qu'un même travail de rationalité est nécessaire pour comprendre et exposer les mécanismes des administrations et permettre aux peuples de ne plus en être victimes.



J'ai compris beaucoup de choses en lisant le texte d'Arthur Conan Doyle (l'auteur de Sherlock Holmes) sur les premières heures de la colonisation belge au Congo. Quand j'étais élève, certains professeurs se moquaient gentiment des allemands, parce que dans les écoles allemandes l'épisode nazie est un peu passée sous silence. De même, les programmes scolaires japonais ne contiennent pas certains chapitres... Et bien, les petits belges feraient bien d'apprendre ce qu'a été la colonisation belge. Tout ce que j'en ai entendu étant enfant sont des propos vagues et embarrassés, suivis d'exclamations d'autres personnes comme quoi il est évident que les belges n'auraient pas pu commettre la moindre atrocité. Tu parles... Certes, ce n'était pas un génocide. Un génocide consiste à exterminer 100% des individus d'une ethnie ou d'un peuple. Au Congo, la politique des belges a été de n'exterminer que 25% des individus, pour terroriser les autres et augmenter la production de caoutchouc et des autres denrées. 25 autres %, approximativement, sont morts de misère. 50%... ce n'est pas un génocide. Je suis absolument d'accord de considérer le génocide des juifs comme le plus terrible, parce qu'il a été perpétré par un état moderne, contre une partie de sa propre population, qui de surcroît ne présentait pas le moindre danger militaire ou politique. De la folie pure, bénéficiant des meilleurs équipements scientifiques et industriels. Mais pour moi les atrocités nazies n'arrivent pas à la cheville de ce que les belges ont fait au Congo. Les juifs et les roms, même après que les portes des Chambres se soient refermées derrière eux, on essayait parfois encore un peu de leur faire croire qu'ils allaient prendre une simple douche. Les cadavres des congolais sur des piques, leurs organes déchiquetés accrochés aux branches sur ordre des fonctionnaires belges, ne laissaient plus aucun espoir aux survivants. Hitler, il était fou. Il croyait bien faire. Léopold II, il a fait ça pour le pognon !

Au Congo, sous Mobutu, les occidentaux subissaient la loi des fonctionnaires congolais. Ils utilisaient des techniques d'extorsion d'argent absurdes mais efficaces. Cela alimentait le racisme des occidentaux contre les congolais. J'ai retrouvé ces techniques dans la description du comportement des fonctionnaires coloniaux belges ! Les congolais ont appris cela des belges... Ce que j'en ai vécu sur place était une version modernisée, sans doute héritée du comportement des fonctionnaires belges à la fin de la colonisation. Sous Mobutu, les missionnaires créaient des zones de relative quiétude autour d'eux. C'était vrai aux débuts de la colonisation aussi... Les fonctionnaires belges faisaient au moins semblant de ne pas tuer quand il y avait une mission dans les environs. En échange, les missionnaires la fermaient. Etudier la colonisation, c'est comprendre le Congo d'aujourd'hui. C'est aussi et surtout comprendre la Belgique d'aujourd'hui. Tout y est : le court terme, l'arbitraire, les intérêts particuliers, le dénis de justice... Le Congo est un laboratoire des méthodes belges poussées à leur extrême. Conan Doyle s'échine à placer la responsabilité sur le dos de Léopold II. Il décrit comment les fonctionnaires étaient coincés, que certains se sont suicidés... C'est un peu facile. Comment peut-on construire une telle administration, constituée de milliers de belges, sans que le gouvernement belge ne soit rapidement mis au courant des atrocités ? Comment se fait-il que la dénonciation a dû venir de l'étranger ? Cela veut forcément dire que, primo, pas assez de fonctionnaires coloniaux belges n'ont su ou voulu s'exprimer, secundo et surtout que ceux qui l'ont fait n'ont pas pu se faire entendre en Belgique. Comment peut-on espérer que des jeunes belges d'aujourd'hui puissent comprendre ces situations et s'organiser contre elles, si on ne leur explique même pas comment leurs propres ancêtres sont tombés dans le panneau ? Qui a intérêt à ce qu'on ne parle pas de la colonisation belge dans les écoles ? Les élèves belges en sont directement victimes. Par exemple un professeur organise les choses comme si son cours et ses devoirs étaient le seul travail qu'un élève a à faire sur la semaine. Une masse de travail... qui n'apprend pas grand chose aux élèves mais qui les assome. Au Congo, les fonctionnaires belges aussi considéraient que les congolais n'avaient rien d'autre à fiche que d'aller récolter du caoutchouc. Ces fonctionnaires auraient été bien incapables de construire de belles choses pour les congolais. Les enfants qui ont subi cet enseignement deviendront des fonctionnaires qui ne sont pas d'avantage capables de construire des choses, de comprendre des situations ou de dénoncer des crimes.



Eric Brasseur  -  2 juillet 2006  au  2 janvier 2007       [ Accueil | eric.brasseur@gmail.com ]